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Développement Durable

climate tech : DISCUSSION AVEC CYRIL GARCIA ET FLORENT ANDRILLON

Le Capgemini Research Institute s’est entretenu avec Cyril Garcia, Head of Global Sustainability Services and Corporate Responsibility, Capgemini et Florent Andrillon, Climate Tech Global Lead, Capgemini.

Technologies climatiques, vers une révolution industrielle bas-carbone.

Il nous reste moins de sept ans pour réduire de moitié les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) et d’un tiers les émissions de méthane si nous voulons limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C. [1] Pour y parvenir, nous devons d’ici à 2030 aller au-delà des innovations marginales et des changements de comportement individuel. Nous devons procéder à des changements systémiques dans les technologies, au sein des institutions et modifier nos pratiques et ce, à grande échelle. Nous avons besoin d’une nouvelle révolution industrielle.

Quel paysage pour les « Climate Tech » ?

Les acteurs des technologies climatiques s’attaquent au défi climatique sous de multiples angles. Ils œuvrent pour :

  • Réduire le CO2 dans l’atmosphère grâce à des sources d’énergie renouvelables telles que l’énergie éolienne et solaire, les bâtiments et les transports à haut rendement énergétique, et les technologies de captage et de stockage du carbone.
  • Aider la société à s’adapter au changement climatique grâce, par exemple, à la protection contre l’élévation du niveau de la mer et à des cultures résistantes à la sécheresse.
  • Réduire l’impact de l’agriculture sur les écosystèmes grâce à une irrigation plus efficace et à des technologies de précision.

La biologie synthétique a également un rôle important à jouer dans la transition climatique, que ce soit en réduisant les émissions grâce à l’économie circulaire, en utilisant des bactéries pour réduire la pollution plastique ou en captant le carbone dans les sols, les océans, la lithosphère ou les puits anthropiques. En ce qui concerne les industries plus difficiles à transformer, l’hydrogène propre contribuera à réduire les émissions, ce qui pourrait redessiner le paysage industriel mondial.

Si la plupart des technologies dont nous avons besoin pour réduire les émissions dans le cadre de l’objectif 2030 sont déjà disponibles, la voie vers 2050 repose sur des technologies plus modernes, en particulier dans les secteurs complexes à décarboner, tels que l’industrie lourde et les transports longue distance. Pour libérer ces technologies et les rendre plus compétitives en termes de coûts, nous devons réduire les cycles d’innovation traditionnels de 25 ans et accélérer leur développement. Cette démarche offrirait des avantages à la fois financiers et écologiques. Une équipe de recherche de l’Université d’Oxford [2] a constaté que plus la transition est rapide, plus les économies sont importantes (au moins 12 000 milliards de dollars par rapport au maintien des niveaux actuels d’utilisation des combustibles fossiles), en raison de l’énorme baisse potentielle des coûts qui résulte de notre connaissance   des technologies.

L’essor des « Climate Tech »

Entre 2010 et 2022, le nombre d’entreprises “Climate Tech” dans le monde a augmenté de plus de 400 % pour atteindre 44 595. En 2021, les entreprises de la Climate Tech ont levé environ 111 milliards de dollars, soit plus que les entreprises de logiciels (104 milliards de dollars) et juste derrière les HealthTech et les FinTech (119 milliards de dollars et 129 milliards de dollars, respectivement). [3]

Si l’intégration de la plupart des technologies climatiques dans les infrastructures, le matériel, les logiciels et les systèmes opérationnels existants peut s’avérer compliquée, il y a des raisons de se montrer optimiste.

Depuis 2010, le nombre d’entreprises “Climate Tech” dans le monde a augmenté de plus de 400 %.

Les facteurs qui favorisent la démocratisation des technologies climatiques sont notamment les suivants :

  • L’accessibilité : Les connaissances aujourd’hui acquises sur les technologies propres suggèrent qu’elles peuvent apporter les progrès et les réductions de coûts nécessaires pour devenir aussi compétitives que les alternatives existantes.
  • L’attractivité : Les engagements pris par les grandes organisations de décarboner leurs opérations et leurs gammes de produits donnent aux entrepreneurs et aux investisseurs l’assurance qu’il y aura une forte demande pour les nouvelles technologies.
  • L’essor des ” fonds verts ” : il y a une augmentation notable des investissements destinés à la durabilité et aux objectifs environnementaux, sociaux et de gouvernance d’entreprise (ESG).
  • Le soutien politique : Les gouvernements accordent un soutien fiscal important à l’innovation en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et aux infrastructures associées.

La combinaison de ces facteurs favorisants le développement durable et l’intérêt croissant pour les technologies vertes sont le signe que de nombreuses technologies climatiques majeures se rapprochent désormais de leur “point de basculement” (le point auquel elles atteignent l’adoption universelle). Voir la figure 1.

Figure 1 : Courbe d’engouement pour un échantillon de technologies climatiques

Source : SVB, “The Future of Climate Tech”, 2022

La nécessité de passer rapidement à l’échelle.

Le prochain défi consiste à développer rapidement les nouvelles technologies, ce qui nécessite de toute urgence un travail plus approfondi, un soutien public plus important et davantage d’investissements. Les Nations Unies estiment que la transformation mondiale vers une économie bas carbone nécessitera au moins 4 à 6 milliers de milliards de dollars par an jusqu’en 2030. [4]

D’importants progrès ont été réalisés en 2021 et 2022, notamment en matière de R&D dans des domaines clés tels que la fabrication d’acier à base d’hydrogène bas carbone, les petits réacteurs nucléaires modulaires et les batteries sans lithium.

Les gouvernements du monde entier soutiennent désormais activement l’industrialisation et le déploiement de technologies climatiques efficaces, en mettant de plus en plus l’accent sur les domaines suivants :

  • L’industrie lourde
  • L’hydrogène vert
  • Les batteries
  • Les carburants durables
  • Le captage, l’utilisation et le stockage du carbone (CCUS)
  • Et d’autres technologies énergétiques essentielles.

Aux États-Unis, par exemple, la loi sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act) et la loi sur l’investissement et l’emploi dans les infrastructures (Investment Jobs Act) prévoient un financement de 470 milliards de dollars pour l’énergie et le climat sur  10 ans. Cela représente plus de trois fois le plan Marshall, qui a fourni plus de 130 milliards de dollars (en dollars de 2020) d’aide économique aux pays européens entre 1948 et 1951. Et cette tendance est mondiale : l’Union européenne a adopté la loi sur l’industrie nette zéro (Net Zero Industry Act) et la loi sur les matières premières critiques (Critical Raw Materials Act) ; le Japon dispose d’un fonds pour l’innovation verte ; et la Chine a fixé des objectifs climatiques ambitieux et des priorités d’investissement dans son quatorzième plan quinquennal.

Les opportunités à venir 

La course vers le net zéro est en marche, avec la Climate Tech au premier plan. Les pays qui prendront l’initiative d’accélérer le développement des technologies propres pourraient en tirer des avantages économiques considérables, notamment en termes de création d’emplois. Les technologies climatiques vont redessiner et, dans de nombreux cas, supprimer les frontières entre les industries et ouvrir de nouveaux horizons à l’innovation et à la croissance. Les technologies climatiques devraient transformer notre façon d’interagir avec le monde, au-delà de ce que nous avons pu connaître lors de la révolution numérique. La plupart des entreprises devront intégrer les nouvelles technologies climatiques dans leurs activités afin de décarboner leurs activités et de réduire leur impact sur l’environnement.

Cela offre un incroyable éventail de possibilités d’innovation. Par exemple : avec une utilisation et une distribution plus large de l’énergie solaire, les entreprises propriétaires de terres, pourraient devenir des fournisseurs d’électricité, ou utiliser cette énergie renouvelable pour charger des camions électriques.

  • Le CO2 capturé lors d’un processus industriel (par exemple dans une cimenterie) pourrait devenir un sous-produit commercialisable et être utilisé dans une raffinerie de carburant propre.
  • De même, les technologies d’élimination du carbone, comme le biochar, sont utilisées pour compenser les émissions de CO2, mais ont aussi l’avantage d’enrichir les sols agricoles.
  • Les compagnies maritimes ou aériennes qui cherchent à sécuriser leur approvisionnement en carburants propres pourraient remonter la chaîne de valeur et produire elles-mêmes leur hydrogène vert.

Les technologies climatiques vont redessiner et, dans de nombreux cas, gommer les frontières entre les industries et ouvrir ainsi de nouveaux horizons à l’innovation et à la croissance.

La nécessité d’une industrie intelligente

L’industrie intelligente peut être un formidable levier pour accélérer le déploiement des technologies climatiques. L’innovation dans le domaine des technologies climatiques se distingue de la transformation numérique des dernières décennies. Le changement climatique est, par nature, un problème matériel – il nécessite de grands projets d’infrastructure pour transformer le mode de fonctionnement de notre économie. Si les logiciels ont leur rôle à jouer et peuvent faciliter grandement la réduction des émissions, les infrastructures sont essentielles dans tous les secteurs si nous voulons construire une société durable et habitable.

L’industrie intelligente peut fournir des moyens innovants pour accélérer les technologies climatiques. L’optimisation de l’utilisation de données de qualité est synonyme de rentabilité tant en termes de ressources en énergie ou de matières premières et peut s’avérer être un véritable allié pour réduire ses déchets et améliorer le cycle de vie de ses produits. Les jumeaux numériques des projets éoliens, par exemple, rendent le déploiement plus facile, plus rapide, plus sûr et plus rentable. De même, la “virtual validation”, le “generative design” et l'”AIDevOps” peuvent tous aider l’industrie des énergies renouvelables à franchir les barrières technologiques et de productivité.

Dans la lutte contre le réchauffement climatique, l’automatisation et les industries intelligentes sont essentielles. La technologie peut aider les acteurs des Climate Tech et les leaders de la décarbonation à remplacer les processus de fabrication polluants et à fortes émissions par des processus plus efficaces en termes de ressources et plus respectueux de l’environnement. L’automatisation, les robots, l’impression 3D, la virtualisation et d’autres technologies de l’industrie 4.0 peuvent améliorer considérablement l’efficacité et la rentabilité.

La Climate Tech offre des opportunités incroyables pour les ingénieurs, les data scientists et les business innovators. Nous devons les perfectionner et les mobiliser pour qu’ils travaillent dès maintenant sur ces défis afin d’assurer notre avenir.

La transition vers une économie bas carbone est aussi importante que la révolution industrielle, mais nous devons la réaliser au rythme de la révolution numérique. Agissons maintenant !

La transition vers une économie bas carbone est aussi importante que la révolution industrielle, mais nous devons la réaliser au rythme de la révolution numérique.

[1] Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC).

[2] Empirically grounded technology forecasts and the energy transition, University of Oxford : https://www.cell.com/joule/fulltext/S2542-4351(22)00410-X

[3] Tech Nation, Climate Tech Report 2022, November 2022.

[4] UN – COP27, Sharm el-Sheikh Implementation Plan, November 2022

Auteurs

Cyril Garcia*

Offres Sustainability groupe, Responsabilité Sociale et Environnementale
Responsable mondial des offres « Sustainability » et de la RSE

Florent Andrillon

Vice President | Head of Climate Tech Strategy & Development, Capgemini

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