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Mode et DPP : une expérience client à nulle autre pareille ?

Stéphane Théry
24 février 2025

Conçu pour favoriser l’économie circulaire et la transparence, le Passeport numérique des produits sera obligatoire dès 2027 pour le secteur du textile en Europe.

Au-delà de la contrainte réglementaire, il a le pouvoir d’apporter une expérience augmentée, tout particulièrement aux clients du luxe. Une opportunité pour les Maisons de se différencier.

Après l’alimentation, le logement et les transports, le textile représente la quatrième source d’impact sur l’environnement et le changement climatique en Europe, selon la Commission Européenne. Il est vrai que les chiffres donnent le vertige. Rien qu’en France, 3,3 milliards de vêtements ont été mis sur le marché en 2022. Et la fabrication d’un simple jean consomme 7 500 litres d’eau selon l’ONU : l’équivalent de toute l’eau bue par un être humain pendant sept ans. En fin de vie, moins d’un tiers des chaussures et vêtements sont aujourd’hui collectés et un tiers d’entre eux seulement sont envoyés dans des processus de recyclage. Ces derniers s’avèrent d’autant plus complexes qu’une très large proportion des articles sont composés de plusieurs matières mélangées.

A travers le green deal, la Commission Européenne a décidé de prendre le problème à bras-le-corps avec la réglementation ESPR (Ecodesign for Sustainable Products Regulation), adoptée en 2024. C’est dans ce cadre qu’a été introduit le Passeport numérique des produits (Digital Product Passport, DPP), qui sera exigé dès 2027 pour tous les produits textiles vendus dans les États-membres. Cet exercice de standardisation inédit vise à communiquer, pour chaque produit, des informations essentielles à leur recyclage et à la transparence que réclament aujourd’hui les consommateurs : la composition, la provenance des matériaux, l’empreinte environnementale ou encore les modes de traitement en fin de vie.

Pour concrétiser cette ambition, tous les acteurs de la chaîne vont devoir nourrir et enrichir le DPP. Son objectif : tracer toute la vie d’un produit à travers une fiche numérique consultable directement depuis le produit (via un QR code, une puce NFC…) afin de favoriser l’économie circulaire.

Un DPP porteur d’opportunités

L’enjeu est d’ampleur pour les industriels du textile, qui ne disposent que de deux ans pour se mettre en conformité et même moins si l’on considère les plannings de l’industrie. Bonne nouvelle pour les marques : le DPP s’avère également porteur d’opportunités, en particulier pour le secteur du luxe où les Maisons restent à l’affût de toute innovation susceptible d’améliorer l’expérience client. Il suffit pour cela d’appréhender le dispositif, non pas sous l’angle de la contrainte, mais en l’envisageant comme un pont entre le physique et le numérique.

Grâce au DPP, les Maisons vont en effet disposer d’un canal de communication direct avec leurs clients pour mettre en avant leurs engagements environnementaux et l’authenticité de leur démarche. Mieux : le DPP peut accueillir des informations supplémentaires sur le produit et sur la marque. C’est donc à chaque Maison de réfléchir dès aujourd’hui à l’histoire qu’elle veut raconter à ses clients via le DPP et, pourquoi pas, lui apporter des services différenciants et personnalisés, par exemple en lui communiquant les coordonnées d’un réparateur agréé. Le cheminement est simple : en rendant possible le produit augmenté, le DPP assure une expérience augmentée !

Garantir l’authenticité

Au-delà de l’expérience client, le DPP offre de multiples cas d’usage, à commencer par sa capacité à authentifier chaque article individuellement. Pour les marques de luxe, ce dispositif peut donc devenir un allié précieux dans la lutte contre la contrefaçon. Sur le marché de seconde main, que ce soit via une plateforme ou en revente directe, cette fonctionnalité permettra également d’accéder à des informations cruciales pour tout acquéreur d’un article (origine, nom de la collection, date de fabrication et de commercialisation, certificat d’authenticité, n°série …).

Les défis à surmonter

Pour en tirer les bénéfices potentiels, les acteurs de la mode devront surmonter plusieurs défis. Le premier d’entre eux réside dans leur capacité à mixer la tradition de leur clientelling et l’innovation technologique. Autre enjeu de taille : embarquer toutes leurs parties prenantes, notamment les petits fournisseurs au mode de fonctionnement artisanal. Difficultés supplémentaires, la collecte des données, habituellement effectuée au niveau global de la chaîne de valeur, devra désormais être réalisée à l’échelle du produit. De plus, la mise à disposition de ces informations devra être soutenue par des plateformes de données qui soient à la fois ouvertes aux différents acteurs de la chaîne de valeur et sécurisées. Enfin, le DPP impose l’ajout d’un tag sur le produit pour faire le lien entre l’objet physique et son passeport numérique, sans dénaturer l’objet de luxe : QR code, puce RFID ou NFC ? Le choix de la technologie nécessite, lui aussi, réflexion.

Technologiques, organisationnels et culturels (formation des équipes en interne, engagement des fournisseurs) : les points de vigilance sont nombreux et les délais serrés. Pour relever le challenge et faire du DPP un véritable atout de différenciation, les Maisons vont devoir confirmer leurs ambitions et procéder par étapes : définir leurs objectifs, identifier les données nécessaires pour y parvenir, déterminer le processus de collecte et la façon dont les données seront exploitées et accessibles via le DPP. Un travail de cadrage à mener dès maintenant !

Notre expert

Stéphane Théry

Senior Director Intelligent Industry, Capgemini Invent
Avec plus de 25 ans d’expérience dans le secteur du conseil, Stéphane est spécialisé dans l’accompagnement des clients dans leur parcours de transformation numérique, en tirant parti d’innovations durables et technologiques. Son expertise couvre les domaines des appareils connectés, de l’analyse des données et de l’intelligence artificielle, appliqués dans des cadres organisationnels complexes pour relever efficacement les défis du marché. Au cours des deux dernières années, Stéphane a dirigé des initiatives dans le secteur des produits de consommation et du commerce de détail, en me concentrant sur la mise en œuvre des codes QR et la promotion de l’économie circulaire.

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