La santé est le révélateur des fragilités du web à l’ère des IA.

La santé est le premier secteur frappé parce qu’elle combine trois singularités : la complexité du savoir, la lenteur du système, et la fragilité de la confiance.

Les données scientifiques, les interactions médicamenteuses ou les protocoles cliniques sont d’une technicité qui décourage la plupart des lecteurs. L’IA, elle, simplifie, traduit, vulgarise. Elle démocratise en apparence l’accès au savoir.

Ensuite, la lenteur du système de santé. Obtenir un rendez-vous, comprendre vers quel spécialiste se tourner, déchiffrer un parcours de soins… tout cela prend du temps. L’utilisateur contourne cette inertie du système grâce à la réponse instantanée d’un LLM.

Enfin, la crise de confiance. Dans le domaine médical, la source compte autant que l’information. Mais les IA génératives répondent sans citer, sans hiérarchiser, sans indiquer la fiabilité de leurs références. Leur assurance tient lieu d’autorité. L’utilisateur, rassuré par la forme, oublie de questionner le fond. La crédibilité perçue remplace la transparence réelle.

Ainsi, le choc n’est pas seulement technologique, il est culturel : il révèle combien notre rapport à l’information médicale, aussi complexe, lente, et fragile soit-elle, rend le secteur plus vulnérable à la déferlante des intelligences artificielles.

L’érosion invisible du savoir

Les premières blessures sont visibles, audiences en chute libre, revenus publicitaires qui s’évaporent, communautés d’entraide qui se vident de leur substance. Mais le poison le plus insidieux s’infiltre ailleurs, dans les interstices de notre rapport à la connaissance.

Car si les IA captent l’attention, elles oblitèrent les sources. Une enquête de LiveScience révèle que les LLMs « tendent à survoler les détails critiques des études scientifiques, et les nouveaux modèles sont particulièrement coupables de ces omissions ». Le savoir devient lisse, sans aspérité, privé de ces nuances qui font la différence entre comprendre et croire comprendre.

Plus inquiétant encore : que devient la qualité de l’information médicale quand les sites disparaissent, asphyxiés par l’absence de trafic ? Comment préserver la polyphonie des expertises quand seuls les géants peuvent négocier des accords de licence avec les titans de l’IA ? Certains imaginent un modèle pay-for-scan, où les intelligences artificielles rémunéreraient les sources qu’elles pillent. Mais pendant qu’on débat, C&EN révèle que les bots saturent déjà certains journaux scientifiques au point que le trafic non humain dépasse le trafic humain. Dans ce brouhaha algorithmique, la valeur du savoir s’érode au moment précis où son besoin se fait le plus pressant.

GEO : l’urgence d’une riposte organisée

Face à ce paradoxe, jamais l’accès à l’information médicale n’a été aussi vital et jamais sa circulation n’a été aussi menacée, émerge une réponse : le Generative Engine Optimization. Si le SEO parlait aux moteurs pour atteindre les humains, le GEO s’adresse aux IA elles-mêmes.

Dans les sciences de la vie, cette mutation bouleverse les codes établis. Optimiser la visibilité d’un contenu médical, c’est désormais s’assurer que ChatGPT, Gemini ou Perplexity l’intègrent dans leur synthèse. C’est structurer la donnée biomédicale dans une grammaire que les modèles génératifs digèrent, via des Knowledge Graphs spécialisés et des taxonomies adaptées. C’est repenser la gouvernance éditoriale pour mesurer non plus seulement le trafic web, mais l’empreinte qu’une publication scientifique laisse au sein des corpus des IA.

Cette transformation n’est ni une coquetterie marketing ni une sophistication technique. Elle touche au cœur de notre responsabilité collective. Donner aux acteurs de la santé les moyens de rester visibles dans ce nouveau paradigme, c’est préserver la qualité du soin et la sécurité des patients. Dans le domaine de la santé, le risque n’est pas seulement économique, il est humain. Un web médical invisible, c’est une société plus vulnérable.

Le GEO, appliqué aux lifesciences, n’est pas une tendance ni une mode. C’est une urgence, et c’est une responsabilité.


  • The Economist « To survive the AI age, the web needs a new business model » (17 juillet 2025) Lien : The Economist
  • LiveScience « AI chatbots oversimplify scientific studies and gloss over critical details, the newest models are especially guilty » (août 2025) Lien : LiveScience 
  • Chemical & Engineering News (C&EN) « AI bots are overwhelming some journals » (avril 2025) Lien : C&EN