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Retail : la data, levier-clé pour optimiser les assortiments

Guillaume Ansanay-Alex
14 mars 2023

Comment améliorer la performance des points de vente sans augmenter le nombre de références et sans – trop – toucher au prix de vente ?

Une équation que les retailers sont en passe de résoudre en pilotant leur stratégie d’assortiment grâce à la data et à l’intelligence artificielle. À condition de collecter et d’interpréter les données, en mettant en place une gouvernance dédiée. Explications.

C’est une petite révolution dans l’univers du retail. Cette industrie, qui a longtemps multiplié les références pour stimuler ses ventes, pourrait bien changer de stratégie en profondeur, et ce, grâce à la data. Le secteur est en effet traditionnellement régi par des principes de segmentation simples pour constituer ses assortiments de produits. Aux plus petits points de vente les produits les plus courants, aux magasins premium les produits les plus haut de gamme. Une stratégie qui ne permet cependant pas de proposer des produits ciblés, ni de prendre en compte les spécificités de chaque point de vente. Et qui, de fait, empêche d’optimiser les volumes et les taux de marge.

Passer d’une approche product-centric à une approche client-centric

Pour améliorer leur chiffre d’affaires, les grandes enseignes disposent de trois leviers : les prix, le nombre de points de vente et l’assortiment de produits proposés aux consommateurs. Or, dans un contexte d’inflation galopante (le taux d’inflation annuel de l’Union européenne s’est établi à 10,0 % en janvier 2023), travailler sur les prix comme sur l’expansion du parc de magasins est particulièrement difficile pour bon nombre d’acteurs. Repenser l’assortiment des produits devient donc un élément pivot. Pour ce faire, il convient de passer d’une approche centrée sur les produits à une approche centrée sur les consommateurs et leurs attentes. L’objectif : mettre la bonne référence au bon endroit et au bon moment. Pour y parvenir, l’entreprise doit placer la collecte et l’analyse de la data au service de l’opérationnel, en suivant quatre étapes-clés.

#1. Identifier les problèmes opérationnels de son assortiment théorique

D’abord, la réalité du terrain ne correspond pas nécessairement à l’assortiment théorique prévu. La différence, importante, s’explique par plusieurs phénomènes : ruptures de stock, démarques excessives, erreurs dans les commandes… Or, chaque défaut opérationnel provoque des ventes manquées et diminue le potentiel de l’assortiment. Il est donc central de s’appuyer sur les données collectées sur les ventes pour comprendre l’impact des problèmes identifiés sur le terrain.

#2. Repenser la composition de ses assortiments en analysant les données

Si une première analyse des données de ventes permet d’identifier les problèmes opérationnels des assortiments sur le terrain, cette même data permet aussi d’observer l’écoulement des stocks ou encore les volumes par rayon, et à un degré plus fin encore, la composition des paniers. Couplée aux données externes des magasins (environnement socio-géographique, économique et culturel du magasin, typologie des clients, étude des flux…), cette analyse permet d’aller beaucoup plus loin, en dressant des similitudes entre les profils de points de vente, pour préconiser des arbitrages d’assortiment qui vont permettre de maximiser, par les volumes ou le taux de marge, les bénéfices du retailer. Par exemple, les magasins implantés dans des zones de passage vendent davantage de produits préparés ; au contraire, ceux qui se situent dans des villes où la moyenne d’âge dépasse 50 ou 60 ans vendent davantage de produits non transformés, car cette population préfère souvent préparer ses repas soi-même. Le même type d’analyse est transférable à d’autres catégories de produits que l’alimentaire : intégrer des données exogènes et bien souvent ouvertes et les coupler aux données de ventes permet d’affiner également la répartition des produits de mode, de parfumerie et, de cosmétique, dont les réseaux de magasins sont souvent étendus sur tout le territoire.

Dans un contexte économique et social tendu, sur fond d’inflation, alors même que le conflit en Ukraine a posé de solides problèmes d’approvisionnement, la data aide les retailers à faire preuve de résilience. Elle leur permet d’analyser, en temps réel, l’évolution des comportements pour notamment dissocier les besoins indispensables des autres. Une étude récente du cabinet NielsenIQ sur les évolutions de la grande consommation en 2022 démontre, par exemple, que les Français ont tendance à réduire leurs achats en entretien, en hygiène de beauté et en alcool, mais aussi à moins stocker et à privilégier les produits les moins onéreux pour un même besoin. Ces tendances doivent être prises en compte dans la création des assortiments.

#3. Impliquer tous les métiers

Si la vision scientifique et data est capitale pour repenser la stratégie des retailers, elle crée d’autant plus de valeur qu’elle est adoptée par l’ensemble des métiers. L’optimisation de la construction des assortiments n’atteindra pas son plein potentiel si la gestion des réapprovisionnements reste artisanale ou si les prix ne sont pas accordés sur la base d’études segmentées de l’élasticité, qui peuvent être réalisées en amont sur les points de vente !

La réussite d’une approche data science pour les assortiments nécessite également un travail amont autour de la gouvernance des données. Cela passe par la mise en place d’équipes pluridisciplinaires, dédiées à un même projet, poursuivant un objectif commun. Il sera par exemple extrêmement difficile de réaliser les analyses de données nécessaires si dans le référentiel produits la codification est doublonnée ou si les métadonnées sont inexploitables.

#4. Mesurer l’impact et adapter la stratégie

Une fois ces nouveaux assortiments proposés, restent deux défis à ne pas sous-estimer :

  • Communiquer et expliquer la démarche à toute la chaîne des acteurs métiers concernés. Ce travail ne se fait pas dans une tour d’ivoire, mais sur le terrain, en co-construction avec les équipes ;
  • Mesurer l’efficacité de la stratégie sur des échantillons de magasins tests versus des magasins témoins, avec une méthodologie rigoureuse permettant de réduire autant que possible les effets d’autres facteurs.

En fonction des résultats obtenus, deux alternatives s’offrent alors aux retailers : ne pas révolutionner immédiatement ses opérations, et adapter une partie de ses segments d’assortiment sur la base des conclusions de l’expérimentation, ou sauter le pas d’une approche 100 % data-driven en reliant les algorithmes aux systèmes opérationnels de chaque magasin, pour recommander automatiquement les produits conseillés. La data offre ainsi une nouvelle approche aux retailers pour proposer aux consommateurs des assortiments de produits plus personnalisés, plus ciblés et plus dynamiques. C’est la garantie de servir les clients de manière personnalisée, en optimisant son expérience en point de vente, et in fine d’améliorer mécaniquement les résultats opérationnels.

Auteur :

Guillaume Ansanay-Alex

Business Partner/Solutioning Lead, Luxury and Consumer Products
Directeur au sein de la Business Line Insights & Data France, Guillaume Ansanay-Alex accompagne ses clients dans leur transformation data et la valorisation de leurs données pour les usages métier, principalement pour les maisons de luxe et de beauté. Dans une relation d’accompagnement des décideurs data sur leurs feuilles de route, il couvre des sujets depuis la mise en place d’architectures data et de modèles opérationnels de management des données, jusqu’aux cas d’usages sur toute la chaîne de valeur business, du sourcing de matériaux à l’allocation de produits en magasin, en passant par la connaissance et la relation client.Il est qualifié pour gérer des projets de R&D dans le domaine de l’efficacité énergétique, diriger des efforts en matière de données et d’analyse dans le secteur de la vente au détail, et concevoir des solutions basées sur les données pour les maisons de luxe en tant que business developer / solution lead dans le domaine du conseil. Guillaume Ansanay a une capacité avérée à recueillir des besoins opérationnels, à proposer, à mettre en œuvre et à diriger des solutions sur mesure, ainsi qu’à diriger des équipes internationales transversales. Guillaume Ansanay a de solides compétences en matière de réflexion stratégique, de résolution de problèmes et de traduction entre l’entreprise et la technologie.