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Numérique Responsable : une opportunité pour les acteurs du secteur public

Capgemini
19 janvier 2023

Les émissions de gaz à effet de serre du numérique représentent 4% de la pollution mondiale actuelle, soit 1,5 fois le transport aérien et vont augmenter d’ici 2025, il est donc urgent d’agir dans tous les secteurs.

Les mots « numérique responsable » et « écoconception » s’installent de plus en plus dans le vocabulaire du secteur public pour répondre à des enjeux nationaux et réglementaires. Était-il temps ?

Magali Dulot, Mathilde Barthès : Les émissions de gaz à effet de serre du numérique représentent 4% de la pollution mondiale actuelle, soit 1,5 fois le transport aérien et vont augmenter d’ici 2025, il est donc urgent d’agir dans tous les secteurs.

En effet, chaque action effectuée sur le web émet du CO2 (visite d’un site internet, lecture d’une vidéo, envoi d’un email, …), génère des requêtes informatiques, de l’électricité et donc du CO2. Les sites internet actuels émettent, en moyenne, 20g de CO2/seconde alors que la moyenne acceptable serait de 1,76g de CO2/seconde…

De plus, la loi Réduction de l’Empreinte Environnementale du Numérique (REEN), votée en novembre 2021, introduit dans son article 35, l’obligation pour les communes et intercommunalités de plus de 50 000 habitants d’adopter, dès le 1er janvier 2025, une stratégie numérique responsable.

Adrien Beton : Les organisations publiques ont depuis longtemps intégrés certains des enjeux du numérique responsable en les prenant sous l’angle de la rationalisation des coûts.

Dans les premiers temps, les organisations publiques ont adopté une approche gestionnaire. La question était : « comment faire pour gérer au mieux mon impact et ma facture ? ». Elles se sont donc interrogées sur le choix de leur équipement IT, sur leur entretien, sur la consommation des data centers, sur la rationalisation des impressions, etc. On était davantage dans une logique de « Green IT » : une notion qui ne prend en compte que les enjeux environnementaux. L’élargissement aux enjeux sociaux, notamment d’accessibilité et au sujet de l’éco-conception est en effet plus récent.

De quoi parle-t-on lorsqu’on évoque le numérique responsable et l’écoconception ? Plus spécifiquement, pour le secteur public et les collectivités territoriales ?

Magali Dulot, Mathilde Barthès : Selon l’ADEME, l’Agence de la transition écologique créée en 1990, le numérique responsable est une
« démarche préventive et innovante qui permet de réduire les impacts négatifs d’un produit ou d’un service sur l’environnement, sur l’ensemble de son cycle de vie, tout en conservant ses qualités d’usage.»

L’administration française se doit d’être exemplaire sur ces pratiques et viser à ce que toute organisation publique ou privée, assimile ces éléments environnementaux pour concevoir un produit ou un service, dès sa phase de conception et ainsi moins polluer.

Adrien Beton : La notion de « numérique responsable » doit se comprendre comme l’application pleine et entière des principes du développement durable au numérique, dans une logique de prise en compte équilibrée des enjeux sociaux, économiques et environnementaux, et ce sur le long terme.

Pour être complète, une stratégie de numérique responsable doit ainsi couvrir à la fois le périmètre direct de l’organisation (gestion du matériel informatique, achats, gestion des serveurs, gestion des compétences IT, etc.)  et les impacts plus indirects liés aux services numériques. Aujourd’hui, quasiment toutes les organisations conçoivent, développent, font réaliser ou choisissent des services numériques, que ce soit pour leurs propres collaborateurs, leurs fournisseurs, leurs clients, les citoyens.

C’est sur ce deuxième volet qu’entre en jeu la conception numérique responsable, terme plus adapté que celui d’« éco-conception » qui laisse entendre qu’on ne se préoccupe que des dimensions environnementales alors que proposer un service universel et accessible à tous est un fondamental du secteur public.

Pourquoi faire du numérique responsable et de l’écoconception ?

Magali Dulot, Mathilde Barthès : Les enjeux du numérique responsable sont devenus incontournables si nous voulons concevoir des produits et services numériques pour rester sous les 2 degrés du réchauffement climatique. Nous pouvons citer à ce sujet, la conférence de Jean-Marc Jancovici, lors des FLUPA UX Days, à la Cité des sciences et de l’industrie, le 20 mai 2022.

De plus, le principe de la politique RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) qui consiste à intégrer les préoccupations sociales, environnementales et économiques au sein de toute activité, vise à adopter des pratiques éthiques et durables dans le mode de fonctionnement de toute organisation.

L’inclusion numérique incite aussi à ce que le digital soit accessible à tous, sans restriction aucune, pour transmettre à chaque individu les compétences et le savoir nécessaires, et faire du numérique un levier de leur insertion sociale et économique.

Adrien Beton : Mener une démarche de numérique responsable, c’est s’inscrire dans une logique d’optimisation des performances, de réduction des coûts, d’amélioration de la qualité de service, de réduction des impacts environnementaux et de maitrise des risques.

D’un point de vue environnemental, l’éco-conception vise par exemple à minimiser la sollicitation de toute l’infrastructure IT (serveurs, réseaux, terminaux) dans une logique de frugalité et d’allongement de la durée de vie du matériel, un prérequis pour contenir les impacts environnementaux exponentiels de l’IT.

Les collectivités territoriales et les organismes publics doivent être d’autant plus vigilants et intégrer une réflexion sur le numérique responsable que l’universalité et l’accessibilité de leurs services sont au cœur de leur mission : elles doivent penser un numérique accessible, même dans des conditions dégradées, et compréhensible.

Le numérique responsable, c’est également construire un numérique sûr, éthique, qui protège la vie privée, et la souveraineté des données. Autant de raisons qui poussent ou devraient pousser les organismes publics à s’y intéresser.

Concrètement, qu’est-ce que cela change dans le travail des agents ? En quoi notre offre d’accompagnement est-elle une réponse adaptée aux enjeux actuels ?

Magali Dulot, Mathilde Barthès : Compte-tenu des enjeux climatiques, il est important de changer les comportements des agents par la prise de conscience, grâce à nos formations et à notre pédagogie.

Il s’agit donc de les sensibiliser aux bonnes pratiques du numérique responsable, de leur permettre d’appliquer ces changements dans leurs méthodes de travail et au sein de leurs projets.

Chez Capgemini, nous accompagnons les services publics dans leur stratégie digitale pour les aider à réduire leur empreinte carbone : concevoir des parcours digitaux simples, éco-conçus et accessibles au service des citoyens, des agents, des contractuels et des élus, mesurer et limiter l’impact de leurs services numériques sur la planète (missions de cadrage, ateliers thématiques, audits, feuilles de route, préconisations, design circulaire, sensibilisation ludique, formations, …).

Adrien Beton : Dans certaines collectivités, les services numériques ne sont pas conçus en interne. La question est donc : comment intégrer la responsabilité dans la commande publique. Comment m’assurer que l’entreprise que je missionne va bien prendre en compte ces sujets dans son travail, quels critères mettre dans les appels d’offre ? Il est difficile d’aborder ces sujets sous l’angle de la performance, car on est davantage dans une logique de moyens et d’amélioration continue. Par ailleurs, si les référentiels se développent, ils sont parfois limités ou difficiles à mettre en œuvre coté métier.

Enfin, il est clair que le numérique responsable n’est pas seulement un sujet technique, c’est avant tout un sujet humain, de sensibilisation et de formation, voire de conduite du changement. C’est là la force de notre offre : en prenant en compte ce contexte, nous pouvons accompagner les organismes publics, de la stratégie jusqu’à son déploiement opérationnel.

Quels retours d’expérience pouvez-vous partager avec nous ?

Magali Dulot, Mathilde Barthès : Parmi nos références, citons le nouveau site internet de la CAF, plus inclusif, accessible et éco-conçu, le site du LCL ou encore celui du Crédit Agricole, que nous avons récemment audité pour sensibiliser les équipes aux principes d’éco-conception et d’accessibilité.

Actuellement, nous collaborons aussi avec EDF, dans la mise en place de leur stratégie numérique responsable, grâce à des méthodes de co-conception innovantes et à des outils de mesure carbone. Parmi les collaborateurs d’EDF, nous avons défini une équipe cœur pour les guider dans leurs chantiers de transformation digitale.

Adrien Beton : La communauté d’agglomération de la Rochelle nous a mandaté pour construire une plateforme numérique de données pour accompagner des problématiques de décarbonation des territoires, avec de très fortes exigences d’éco-conception.

En parallèle de la conception de la plateforme, nous avons donc dû apporter une méthodologie et des preuves de notre engagement de moyens : le projet est en cours et nous visons une certification AFAQ-éco-conception exemplaire délivrée par l’AFNOR, une première pour un service numérique. La certification permet de démontrer que la méthodologie de la construction de la plateforme s’inscrit dans une démarche d’éco-conception. Cette certification est intéressante en ce qu’elle interroge à la fois le prestataire, mais aussi les donneurs d’ordre. Elle tord aussi certaines idées reçues, comme par exemple la nécessité de disposer de mesures environnementales précises pour éco-concevoir, l’important, c’est surtout l’amélioration continue et la prise en compte complète du cycle de vie.

Cela nous renvoie encore une fois à la complexité de la commande publique : il est compliqué de construire un cahier des charges qui intègre cela.

Dans le futur, quelles seront les tendances et les enjeux du numérique responsable et de l’écoconception pour le secteur public ?

Magali Dulot, Mathilde Barthès : Par souci d’exemplarité, les organisations publiques appliqueront progressivement les bonnes pratiques d’une politique RSE, concevront et transformeront leurs services numériques en outils inclusifs, accessibles et respectueux de l’environnement.

Ainsi, une éthique irréprochable sera demandée aux agents pour faire respecter, à l’avenir, ces principes numériques responsables.

Adrien Beton : Il y a déjà un enjeu de convergence et d’uniformisation des bonnes pratiques, afin que les collectivités soient plus autonomes, car la norme aujourd’hui, c’est davantage le sur-mesure.

Sur le volet environnemental, il reste encore du travail pour être en capacité de construire une mesure environnementale fiable et surtout pilotable.

Nos experts

Mathilde Barthès

Directrice clientèle – Secteur Public, frog, Part of Capgemini Invent

Magali Dulot

Lead Manager de projets digitaux, frog, Part of Capgemini Invent

Adrien Beton

Leader Innovation et Transformation Durable, onepoint