Cet impératif du « droit à l’erreur » s’accompagne d’un essor considérable dans le domaine des technologies de la donnée et de l’intelligence artificielle dont les cas d’application dans les domaines de lutte contre la fraude se multiplient. En effet, ces technologies ne sont pas infaillibles et sont le plus souvent un outil d’aide à la décision pour l’administration, qui peut enclencher un dialogue transparent, ouvert et éthique avec le citoyen ou les entreprises pour lever les doutes et régulariser une situation si nécessaire. al. La vacance sur ce poste est passée de 6% en 2021 à 17% en 2022.

Les projets numériques des administrations doivent intégrer dans leur conception le droit à l’erreur

Avant d’activer le « droit à l’erreur », il faut qu’un doute sur l’existence potentielle d’une erreur soit identifié au sein de l’administration. Cette activité de contrôle est d’ailleurs au cœur des missions de certaines administrations financières (DGFiP, DGDDI, Tracfin, …) ou organismes sociaux (CNAM, CNAV, CAF, …) et était traditionnellement manuelle et souvent aléatoire. Récemment, elle a pu bénéficier des fortes avancées dans le domaine de la donnée et de l’intelligence artificielle, qui permettent d’atteindre trois finalités :

  • Détecter une incohérence entre une réalité et la connaissance qu’en a l’administration ;
  • Capter des signaux faibles par une identification de faisceaux d’indices et de récurrences indiquant des dysfonctionnements potentiels ;
  • Prédire des situations futures par l’analyse de séries temporelles.

Les technologies et les méthodologies déployées au sein de l’administration sont nombreuses et peuvent aller du traitement mathématique automatisé au recours à l’intelligence artificielle (Machine Learning, Natural Language Processing, Computer vision, …). Ces technologies innovantes ne restent qu’un moyen et l’enjeu est qu’elles respectent, lorsqu’elles sont déployées, le droit à l’erreur. Cela est possible sous les trois conditions suivantes :

  • Limiter l’usage de ces technologies à une aide à la décision. Le recours à la data et à l’IA est souvent vu comme la soumission à l’arbitraire de la « machine » : pourtant l’algorithme infaillible n’existe pas. L’objectif est le plus souvent de proposer une interprétation qui vient appuyer et faciliter le travail d’un agent lors de ses contrôles ;
  • Assurer un cadre de développement et de production industriels, qui vient fiabiliser la solution technologique. Cela passe par la définition de l’environnement informatique et des exigences de sécurité et la réalisation de tests à toutes les étapes afin de s’assurer que la solution est d’une qualité suffisante avant son déploiement auprès des citoyens ;
  • Adopter une approche centrée sur l’éthique et la transparence. Il est essentiel que l’utilisation des données collectées, s’agissant en particulier des données personnelles, correspondent aux finalités déclarées. Les mécanismes d’exploitation de ces données, confiés à des automates ou des intelligences artificielles, doivent également suivre des processus basés sur des règles auditables.

Quelques exemples d’administrations ayant réussi ce challenge

Deux administrations ont mis au cœur de leur projet data et IA le principe de droit à l’erreur : la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP) et l’Agence de Services et Paiements (ASP).

La DGFIP développe depuis 2021 un modèle d’intelligence artificielle et de valorisation de ses données dans le triple objectif d’améliorer la qualité et l’exhaustivité du plan cadastral informatisé, de fiabiliser les déclarations fiscales des contribuables et de garantir une équité fiscale.

Le principe est simple : un algorithme d’intelligence artificielle en imagerie détecte des objets (piscines, bâtis, etc.) sur une orthophotographie fournie par l’Institut Géographique National qui sont ensuite confrontées aux données géographiques et fiscales de la DGFiP pour identifier des incohérences déclaratives. Après une vérification par les agents des finances publiques, le contribuable est invité à régulariser sa situation fiscale, sans pénalité, en application du droit à l’erreur. Les collectivités locales, bénéficiaires des recettes de taxe foncière, bénéficient de cet usage innovant des données foncières. Le plan stratégique national de la Politique Agricole Commune pour 2023-2027 suggère également la mise en œuvre par chaque pays de l’Union Européenne d’un système de suivi des surfaces en temps réel permettant d’appuyer les exploitants dans la fiabilité de leur télédéclarations des aides grâce à l’intelligence artificielle. Des photographies satellites sont exploitées à intervalle régulier par un algorithme qui détecte et délimite les parcelles agricoles cultivées.

A partir d’un référentiel labellisé des différentes cultures dans une trentaine de zones pédoclimatiques françaises, l’intelligence artificielle identifie avec une grande précision la nature des cultures des sols. De plus, l’intelligence artificielle fournit une approximation de la date de semis de ces cultures. Ainsi, les déclarations des agriculteurs peuvent être fiabilisées par croisement avec cet outil d’aide à l’instruction. Les agriculteurs pourront régulariser leurs déclarations sans pénalité, dans le cadre du droit à l’erreur, ce qui marquera sa première application dans le cadre du droit de l’Union européenne. Les cas d’application sont multiples et concernent toutes les administrations publiques et parapubliques.

Leur généralisation permettra d’améliorer en continu les technologies, les dispositifs publics d’accompagnement et plus généralement l’adoption par le citoyen. C’est par ailleurs une partie de la réponse aux difficultés de recours aux aides par certains publics. Si l’administration est capable d’identifier des erreurs sur des déclarations, elle peut identifier les personnes ou ménages qui devraient être ou seront éligibles à une ou plusieurs aides.