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Expérience client et composable commerce, le luxe en quête de l’alchimie parfaite

Xavière Tallent
16 novembre 2022

L’excellence de l’expérience client est devenue une affaire de haute technologie pour les acteurs du luxe. Avec le composable commerce, une nouvelle architecture SI se dessine, composite et cousue main, pour associer simplement et rapidement les meilleures applications : search, content management, réalité virtuelle… Mais avant de tourner le dos aux plateformes monolithiques, les questions à se poser restent nombreuses.

Longtemps, la plateforme monolithique s’est imposée comme un horizon indépassable pour exceller en ligne. Les entreprises étaient conquises par son alliage de vitesse et de simplicité. Un duo gagnant pour performer de bout en bout, mettre en scène son catalogue, lancer des opérations promotionnelles, orchestrer son search ou son merchandising. Un système unique, avec lequel les équipes s’étaient familiarisées, pour gouverner tous les arcanes d’une expérience client hors pair.

La revanche des premiers de la classe

Peu à peu, les maisons de luxe, gagnant en maturité digitale et désireuses de devancer les attentes de consommateurs toujours plus exigeants, ont voulu optimiser certaines fonctionnalités propres au e-commerce. Enrichir l’information produit, personnaliser l’expérience client, proposer des options de livraison multiples… Elles se sont mises à débrancher des éléments de leur plateforme pour y connecter, grâce aux API, des modules spécialisés best-of-need, autrement dit les premiers de la classe dans leur domaine. De façon empirique, une architecture hybride s’est dessinée, fissurant la belle unité de la suite tout-en-un. Un concept que Gartner nomme le composable commerce et pour lequel Capgemini a développé une offre spécifique baptisée Crafted Commerce.

La multiplication des points de contact, le besoin d’évoluer pour procurer au bon client la bonne expérience au bon moment… Autant d’impératifs qui exigent de s’adapter vite, à l’échelle de quelques semaines… Or, les architectures monolithiques ne permettent pas aux équipes SI de tenir ce rythme. C’est pourquoi le composable commerce et son approche modulaire sont appelés à s’imposer pour déployer les changements à des vitesses inédites. D’ici 2023, 50 % des plateformes commerciales seront API-centrées et les entreprises qui auront adopté une approche composable iront 80 % plus vite que la concurrence dans l’implémentation de nouvelles fonctionnalités selon Gartner. Seuls les plus rapides survivront.

Le luxe : un candidat idéal ?

Le luxe a tout à gagner du composable commerce, pour passer d’une vitesse de croisière (devenue trop lente) à la vitesse MACH. Cet acronyme évoque le soubassement technologique d’une telle approche :

  • Microservices – il s’agit de services ayant une responsabilité propre et indépendants les uns des autres, permettant ainsi un meilleur découpage au sein d’une ou plusieurs applications;
  • API-first – philosophie consistant à construire un produit en se concentrant en priorité sur son interopérabilité avec le monde extérieur. Il est plus facile de construire des applications composites si le produit est programmable dès le départ;
  • Cloud Native SaaS (Software as a Service) – les applications développées dans le cloud bénéficient de ses fonctionnalités natives telles que l’auto-scaling (mise à jour automatique des ressources en fonction des besoins) ;
  • Headless – cette architecture dissocie front-end et back-end, si bien que le site visité par le client est indépendant de l’infrastructure, laissant une liberté totale aux marques pour réinventer l’expérience utilisateur par exemple.

Derrière cet acronyme MACH se trouve notamment une alliance mise en place en juin 2020 par certains éditeurs  dans le but d’aider et de former ceux qui veulent migrer d’un « system legacy » souvent monolithique vers une approche plus composable. Cette alliance regroupe des éditeurs, des intégrateurs ainsi que des enablers technologiques de renom pour mettre en œuvre la philosophie MACH. Plus d’informations sont disponibles sur le site de la MACH Alliance (dont Capgemini est un des membres, présent notamment au Technical Council, Marketing Council et également Growth Council).

Ce n’est pas un hasard si plusieurs grandes maisons de luxe ont déjà franchi le pas. Première raison : l’expérience client est le Graal sur ce marché et seule une parfaite association des meilleures briques technologiques peut la rendre inoubliable. Deuxième raison : l’omnicanalité est devenue la pierre angulaire d’un parcours client sans couture, en réel comme en virtuel. Celle-ci ne se limite pas à une dualité entre web et point de vente mais s’exprime au sein de parcours multiples et interdépendants : en ligne, sur les réseaux sociaux, sur application mobile, en boutique, auprès du service client. C’est également vrai pour les vendeurs des maisons de luxe qui s’efforcent de rester au plus près de leurs clients, en point de vente bien sûr mais aussi à distance via des applications comme WhatsApp. L’omnicanalité trouve enfin à s’appliquer dans le métavers et, plus généralement, dans toutes les expériences de réalité virtuelle.

Troisième raison : l’expansion internationale des marques, notamment en Asie ou au Moyen-Orient, implique de s’adapter aux spécificités locales, ce que facilite grandement la technologie headless. Cette dernière permet notamment aux entreprises de conserver leurs bases de données dans leur pays d’origine tandis que les sites locaux (front-end) sont hébergés au plus près des clients.

Les acteurs du luxe sont prêts à se donner les moyens d’investir dans de telles transformations, dès lors qu’elles sont identifiées comme stratégiques. On touche là une donnée essentielle du problème : le coût d’une démarche composable est à mettre au regard de ses avantages. Ces derniers sont indéniables, qu’il s’agisse de l’hyper-vitesse ou de la capacité à intégrer de manière flexible les technologies les plus innovantes, en injectant par exemple de l’intelligence artificielle dans la recherche d’articles ou de la réalité virtuelle pour une expérience plus immersive. À la clé, une amélioration de l’expérience et donc de la satisfaction client, avec un impact direct sur les ventes grâce à un meilleur taux de transformation. Le tout sans avoir à faire évoluer sa plateforme à chaque modification portée sur un module.

L’approche headless fait la course en tête

Les maisons de luxe ont bénéficié d’un boom des ventes en ligne pendant les confinements. Selon le cabinet Bain, leur part a doublé entre 2019 et 2020, passant de 12 % à 23 % pour s’élever à 49 milliards d’euros. Pour répondre aux attentes élevées de leur clientèle ultra-connectée, en quête d’immédiateté, elles doivent se mettre en position d’interagir en temps réel. Cette révolution suppose une migration complète de l’infrastructure vers le cloud et de solides équipes SI, afin de maintenir à flot tout le système. Les équipes métiers doivent quant à elle apprendre à jongler entre les solutions de gestion des produits, de search, d’e-commerce… La MACH Alliance permet de faciliter l’adoption de ces produits venus d’horizons divers en garantissant une compatibilité élevée.

Ce qui amène à une considération centrale : il faut savoir faire preuve de mesure entre une approche 100 % monolithique ou 100 % composable. Plusieurs marques se sont essayées avec succès à emprunter le meilleur des deux mondes ou à scinder leurs approches.

Une maison de haute couture a tout à gagner à basculer vers une architecture composable tandis qu’un spécialiste des cosmétiques, caractérisé par de forts volumes et un moindre besoin de complexité quant aux environnements proposés au client, devra sans doute privilégier une approche plus classique. Un groupe possédant plusieurs marques de mode ayant chacune son territoire bien défini pourra préférer  le headless pour ses interfaces clients afin de personnaliser la présentation de son contenu par marque et par pays, tout en gardant le même cœur de réacteur.

Si la bascule complète vers le composable commerce ne convient pas à tout le monde, la question du headless s’avère incontournable pour l’ensemble des maisons de luxe. Il s’agit de la première étape à envisager avant d’aller plus loin, le cas échéant. Avancer pas à pas permet de ménager ses équipes – tant informatiques que métiers – et préserve la continuité des opérations, à condition d’investir leur formation et leur accompagnement, alors même que les technologies se multiplient.

Pour les entreprises, le headless marque un véritable point de départ. Une fois que le découplage entre le front et le back effectué, les entreprises se posent naturellement la question des fonctionnalités à ajouter, tel un CMS. Faudra-t-il ensuite optimiser le module de recherche d’articles ou d’autres ? À chacun d’évaluer la part de composable commerce à introduire, en fonction de ses priorités stratégiques sans perdre de vue le rapport coût-efficacité. Serai-je plus performant avec une architecture à 20 % ou 50 % composable ? Avec l’omnicanalité et le headless, le suivi de la performance est donc le troisième pilier d’une entrée réussie dans le monde composable, au service de l’excellence.

Auteur :

Xavière Tallent

Commerce Strategist EuropeCapgemini