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Banques : face à la crise, comment réduire les coûts tout en accélérant la transformation digitale ?

Arnaud Brenier
16 juillet 2020

Les leaders de demain seront ceux qui auront su investir judicieusement pour réduire les coûts de manière durable à travers des plateformes digitales collaboratives faisant la part belle à l’expérience client.

Pour les banques, la pandémie du Covid-19 va aggraver la crise latente qui, depuis plusieurs années, sape peu à peu leur rentabilité.

Cette crise se caractérise par la conjonction de trois grands facteurs : des revenus en déclin en raison de la faiblesse des taux qui, depuis près d’une décennie, écrase leurs marges ; une structure de coûts qui ne cesse de s’alourdir avec le vieillissement des systèmes d’information et le renforcement constant des contraintes règlementaires ; l’émergence de nouveaux risques à intégrer et provisionner.

L’épisode du Covid-19 et ses répercussions annoncées vont peser sur chacune de ces fragilités. Il sera de plus en plus difficile de compenser la faiblesse durable des taux par les volumes car les banques traditionnelles devraient pâtir d’une clientèle de plus en plus volatile. Pendant la crise, leurs nouveaux concurrents ont su faire connaître et apprécier leurs solutions digitales. Selon une étude réalisée en avril 2020, donc en plein confinement, l’utilisation des applications bancaires mobiles a bondi de 47 % à 55 %, et plus d’un tiers des consommateurs (36 %) en a profité pour tester de nouveaux prestataires bancaires et/ou financiers . La probabilité qu’ils reviennent en arrière est d’autant moins grande que 6 parcours clients bancaires sur 10 nécessitent une étape physique, une rupture d’expérience désormais rédhibitoire (1).

En ce qui concerne la structure de coûts, sans changements profonds, la dette technique des systèmes d’information va continuer à se creuser tandis que les exigences règlementaires, comme après chaque crise, risquent de se voir renforcées. Enfin, après la montée ces dernières années des risques cyber, environnementaux et règlementaires, le Covid-19 a montré que le risque sanitaire constituait lui aussi une menace à prendre en compte.

Pour les banques, la réduction des coûts était déjà un enjeu majeur ; face à ce tableau, elle devient une urgence. Mais comment s’y prendre, sans casse sociale, alors que beaucoup d’efforts d’optimisation ont déjà été réalisés ? Et comment concilier ces nécessaires économies avec les non moins nécessaires investissements dans l’innovation ?

Pour avancer sur cette ligne de crête, l’heure d’un passage en revue exhaustif et sans tabou des services et des opérations a sans doute sonné. Les grands établissements possèdent souvent un système d’information par métier, largement sur mesure, peu agile et coûteux à maintenir. Il est impératif de s’interroger sur la pertinence de ce modèle et les limites d’une intégration verticale qui pousse à réaliser soi-même des tâches à faible valeur ajoutée et peu différenciantes.

En clair, pour chacun de ses services, la banque doit opter entre trois possibilités : procéder à des développements internes ; sous-traiter la production à un acteur du marché bénéficiant de l’effet volume pour réduire les coûts ; mettre en place une plateforme agile et industrialisable permettant d’offrir des services à d’autres acteurs du secteur. C’est un choix délicat dans lequel se mêlent des considérations stratégiques (quelles activités voulons-nous développer ?), financières (quelle serait la rentabilité de chaque service ?), technologiques (quelles perspectives pour quelle faisabilité ?) et humaines (quelles sont et quelles doivent être nos compétences ?). C’est surtout un véritable questionnement existentiel qui va redéfinir l’identité de la banque et l’image qu’elle projette à ses clients ainsi qu’à ses collaborateurs présents et futurs.

Pour choisir et mener les combats qui leur permettront de se réinventer et de réduire leurs coûts, les banques peuvent s’appuyer sur un vivier de spécialistes, fournisseurs de briques technologiques, fintechs ou acteurs de secteurs connexes. Par exemple, dans l’immobilier, qui constitue aujourd’hui pour elles un axe de développement, elles pourraient construire une plateforme intégrée traitant le projet dès la recherche du bien jusqu’à son aménagement. Le financement, les assurances et les échanges avec le notaire seraient alors totalement intégrés pour fluidifier le parcours client. A l’instar de l’immobilier, des plateformes de leasing commencent à apparaître pour la clientèle entreprise.

Ces plateformes ouvrent de multiples possibilités en termes de développement, que ce soit par l’apport de services complémentaires avec des partenaires, la mise en commun de moyens pour moderniser son outil de production, ou encore par la capacité à toucher une clientèle ciblée par une meilleure utilisation de la donnée.

Pour accélérer les délais de commercialisation, et donc générer du produit net bancaire rapidement, les banques peuvent s’appuyer sur des partenaires stratégiques, capables de les accompagner tout au long de leur projet, depuis la définition de la cible jusqu’à la mise en œuvre opérationnelle, en passant par le minimum viable product et la mise en place d’indicateurs de suivi pour valider l’orientation ou redéfinir le cap, le cas échéant.

Quels que soient les choix stratégiques des différents acteurs bancaires, leur futur passera par une réduction de leur structure de coût basée sur une modernisation du système d’information d’une part, et le recours à une logique de partenariat avec des acteurs bénéficiant d’une avance technologique, d’autre part. Les leaders de demain seront ceux qui auront su investir judicieusement pour réduire les coûts de manière durable à travers des plateformes digitales collaboratives faisant la part belle à l’expérience client.

(1) Etude Capgemini : La COVID-19 et le consommateur de services financiers