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Smart buildings : comment débloquer le potentiel de la GTB pour la décarbonation et optimiser les opérations ?

Fabien Bonicel & Najib Goual
25 septembre 2025
capgemini-engineering

Les systèmes de Gestion technique du bâtiment (GTB) sont souvent perçus comme une boîte noire incapable de tenir ses promesses. Cependant, en se donnant comme préalable de bâtir un socle de données propre et solide, et en adoptant une approche pragmatique et collaborative, les bénéfices peuvent être considérables.

Face aux enjeux réglementaires (comme le Décret tertiaire), environnementaux (l’exploitation des bâtiments représente 26 % des émissions de CO2 mondiales liées à l’énergie) et économiques (la flambée et la volatilité du prix de l’énergie), la GTB apparaît plus que jamais comme un outil incontournable.

Aujourd’hui, les bâtiments sont dotés d’innombrables capteurs, de systèmes de commande, souvent d’une GTB (Gestion technique du bâtiment), mais 68 % des données disponibles restent pourtant inexploitées. L’explication tient essentiellement en un mot : cloisonnement. Le cloisonnement des systèmes, d’une part, qui suivent chacun leur propre logique technologique, communiquent peu et se multiplient de façon désordonnée. Et le cloisonnement des acteurs, d’autre part, car du propriétaire à l’architecte, du bâtisseur à l’exploitant, de l’éditeur aux occupants, les nombreuses parties prenantes n’ont ni la même vision, ni les mêmes besoins, et ne s’accordent que rarement sur les sujets numériques en général et celui des données en particulier. Un constat que corrobore l’Observatoire national du déploiement des BACS (building automation and control systems) proposé par le GIMELEC : parmi les 15 % du parc tertiaire équipés en France en 2024, près de la moitié sont inexploités.

Ces silos technologiques et organisationnels conduisent souvent à des solutions surdimensionnées et inadaptées aux besoins et au contexte d’exploitation. Ils précipitent l’obsolescence des systèmes, isolés, complexes et peu évolutifs, nuisent à leur appropriation par les utilisateurs et freinent l’innovation. L’utilisation est alors insuffisante, les résultats sont en deçà des attentes, et il en résulte frustration, découragement, et, in fine, défiance envers les GTB.

Un socle de donnés pour briser le cercle vicieux du cloisonnement

Pour briser ce cercle vicieux, la clé est de mettre en place un socle de données commun, agnostique et sécurisé, alimenté par un réseau de capteurs IoT. En s’y connectant, chaque application pourra ensuite accéder aisément à des données fiables, sans lesquelles aucune décision, humaine ou machine, n’est possible.

Disposer d’un tel socle partagé de données est la condition sine qua non pour débloquer tous les avantages de la connectivité : piloter et optimiser la consommation d’énergie ; pouvoir intervenir à distance, en mobilité ou depuis un poste de contrôle centralisé ; avoir une approche globale et non plus bâtiment par bâtiment ; n’être plus seulement réactif, mais devenir proactif, que ce soit pour le réglage des équipements ou leur maintenance ; accroître l’automatisation grâce à l’IA et aux agents…

Outre ses gains financiers et environnementaux, une gestion plus fine et mieux maîtrisée des fonctions techniques du bâtiment accroît sensiblement le confort de ses occupants, ce qui peut avoir une incidence non négligeable sur leur productivité. Enfin, c’est aussi un outil de collaboration : autour de la donnée, les acteurs (propriétaire, locataire, gestionnaire…) peuvent se réunir pour arrêter les paramètres qui répondent le mieux à leurs enjeux respectifs. Cette optimisation collective, dynamique, permet des économies d’énergie substantielles, de l’ordre de 15 % à 20 %.

Intégrer la question des usages dès le départ

Pour bâtir cette indispensable fondation, il est essentiel que la question des données soit prise en compte dès l’origine du projet immobilier via l’angle des cas d’usages. Il faut identifier ce dont on pourra disposer et ce dont on aura besoin, ce qui sera utile ou non, sous quelle forme, et intégrer cet aspect au commissionnement et aux transitions entre les différentes étapes du cycle de vie du bâtiment. Il faut aussi veiller à l’interopérabilité des systèmes qui seront amenés à alimenter la plateforme ou à y puiser leurs informations. Enfin, pour rendre les données exploitables, il faut instaurer une logique unique de collecte, de formatage, de structuration, et les contextualiser en les rattachant à un référentiel spatial du bâtiment.

Dès lors, grâce à ce socle, on va pouvoir développer divers cas d’usage, qui seront de plus en plus profitables à mesure qu’ils seront plus sophistiqués. Pour commencer, ce sera généralement le reporting des consommations d’énergie, qui permet un premier niveau d’optimisation (de 3 % à 10 % d’économies potentielles), puis la surveillance en temps réel, qui permet d’agir plus finement (de 5 % à 15 %), et enfin la mise en place de contrôles, qui, en permettant d’optimiser le taux d’utilisation des actifs ou la maintenance, produit jusqu’à 30 % d’économies. En intégrant des données extérieures (tarifs, condition météo, infrastructures similaires…), on peut aller encore plus loin grâce à l’IA, qui saura, par exemple, suggérer des explications à des dérives constatées et proposer des actions pour y remédier.

Humilité, standardisation, progressivité : la recette du succès

Pour suivre sans dévier ce cheminement, et en tirer tous les bénéfices escomptés, l’expérience montre qu’il n’est pas nécessaire de multiplier les tests et les pilotes, et qu’il vaut mieux se lancer de façon pragmatique, en partant d’un besoin avéré. C’est ce qui va permettre de se forger une expérience, de s’approprier les technologies, d’embarquer les acteurs, et d’obtenir de premiers résultats qui valideront le bien-fondé de la démarche et donneront l’élan pour aller plus loin. En revanche, il faut d’emblée avoir à l’esprit les perspectives d’extensions futures – vers des bâtiments plus anciens, plus petits ou plus isolés, des fonctionnalités nouvelles, ou de nouveaux types de capteurs et de données. Il faut ainsi rester le plus simple, le plus standard et le plus ouvert possible, de manière à faciliter plus tard l’industrialisation et le passage à l’échelle de ces futures solutions.

L’exemple du Energy Command Center

Dans ses locaux de Bangalore, en Inde, Capgemini a mis en place une gestion centralisée de l’énergie, l’Energy Command Center, en partenariat avec Schneider Electric. Cette solution a permis de réduire en cinq ans la facture énergétique de 29 % et les coûts de maintenance de 30 %.

Capgemini a procédé en débutant par un bâtiment, avant d’étendre sa solution à tout son parc indien (1,7 million de m²). D’abord focalisé sur la consommation d’énergie, l’Energy Command Center a également élargi peu à peu son périmètre fonctionnel, avec notamment l’intégration de la gestion de l’eau, très réglementée en Inde. La gestion des installations solaires a également été ajoutée, ce qui a permis d’en réduire de 20 % les arrêts et de les utiliser au maximum de leur potentiel.

Des performances remarquables, en ligne avec les exigences et qui doivent tout à la data.

Auteurs

Fabien Bonicel

Fabien Bonicel

Head of Climate Tech & Sustainability, Capgemini Engineering
Dans l’ingénierie et le groupe Capgemini depuis 19 ans, Fabien a réalisé des études de conception dans l’aéronautique. Il a ensuite pris la responsabilité d’une équipe d’ingénieurs et techniciens en charge de réaliser des études mécaniques et physiques pour toutes les industries. Depuis 2024, il est responsable du Centre d’Excellence pour le Développement Durable de Capgemini Engineering France, dont un des piliers est l’efficacité énergétique des bâtiments.
Najib Goual

Najib Goual

Directeur National segment Real Estate, Schneider Electric
Ingénieur thermicien, Najib a travaillé pendant une dizaine d’années au sein d’un BET fluides, avec la responsabilité de missions autour de l’efficacité énergétique à la fois sur des sujets en phase de faisabilité et conception. Il a rejoint le groupe Schneider Electric en 2011. D’abord en charge de l’avant-vente et réalisation de projets GTB, il a ensuite pris la responsabilité de la prescription des solutions Smart Building auprès de la clientèle Bureau d’études, puis Responsable Grands comptes du secteur de l’immobilier. Depuis 2023, il a en charge la direction commerciale pour les activités dans l’immobilier d’entreprise en France.
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