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L’eau, un bien commun sous tension : comment l’Intelligence Artificielle peut aider les entreprises à répondre à l’urgence hydrique

Capgemini
Julie Richon et Anne-Marie Fouchet 
3 septembre 2025
capgemini-invent

Selon les prévisions des Nations Unies, d’ici 2030, la demande mondiale en eau douce dépassera de 40 % les capacités disponibles. Cette perspective place les entreprises et les organisations face à un double défi : garantir un accès durable à l’eau pour leurs activités tout en limitant leur impact sur le cycle hydrologique.

L’eau devient ainsi une contrainte stratégique, au même titre que l’énergie ou les matières premières. La surexploitation des ressources menace les équilibres écologiques, avec des conséquences déjà visibles : assèchement des nappes phréatiques, perte de biodiversité, conflits d’usage. Anticiper la disponibilité de l’eau devient de plus en plus complexe, notamment dans les zones soumises à des aléas climatiques extrêmes.

Face à cette urgence, les pouvoirs publics se mobilisent. En France, le Plan Eau vise une réduction de 10 % des prélèvements d’ici 2030. Il s’articule autour de trois axes : la sobriété des usages (mesurer, planifier, économiser), l’optimisation de la disponibilité (réduction des pertes, valorisation des eaux non conventionnelles, amélioration du stockage), et l’amélioration de la qualité de l’eau. 

Pour les entreprises, cela implique : 

  • Une mise en conformité réglementaire renforcée, 
  • Une intégration de la gestion de l’eau à l’échelle de la supply chain, 
  • Une transformation des modèles opérationnels et industriels.

Comment les entreprises s’adaptent-elles ?

Les entreprises les plus exposées au stress hydrique doivent amorcer une transformation profonde de leur gestion de l’eau. Au-delà de la sensibilisation et de l’implication de l’ensemble des équipes (sujet transverse critique pour l’adaptation), cette transformation repose sur une prise de conscience des risques par l’ensemble des parties prenantes. Plusieurs leviers doivent être activés pour anticiper ces risques : 

  • Cartographier les risques et les mesurer 

La première étape consiste à identifier les sites exposés au stress hydrique, en interne comme chez les fournisseurs. Des outils de cartographie et de supervision adaptés aux besoins de la situation (suivi ponctuel ou en temps réel) permettent de mieux comprendre les risques, d’anticiper les tensions et d’adapter les stratégies d’approvisionnement.  

Par ailleurs, travailler à la simulation de l’impact de leurs rejets d’eaux, que ce soit en termes de qualité mais également de température, devient un impératif. Au-delà des potentiels impacts de règlementations à venir, la baisse des débits dans les cours d’eau va impacter les concentrations en produits chimiques, avec des impacts parfois irréversibles pour les écosystèmes et les populations.   

La mise en place d’une mesure en continue permet de simuler des trajectoires de consommation et de rejet, avec enjeu de granularité fine, pouvant aller jusqu’au produit. 

  • Réduire la consommation, explorer des ressources alternatives et optimiser les procédés 

La sobriété passe par la modification ou l’optimisation des procédés industriels. Cela peut inclure : l’amélioration des rendements hydriques, l’adoption de technologies moins consommatrices, le recyclage et la réutilisation des eaux usées. Ces évolutions permettent de réduire la pression sur les ressources naturelles tout en assurant la continuité des opérations. 

Par ailleurs, la création de “Jumeaux Numériques” des systèmes de production industriels permet d’avoir des outils d’aide à la décision pour identifier les solutions d’optimisation et leur coût, mais également pour prédire les performances des systèmes futurs. 

  • Valoriser l’eau comme un actif stratégique 

Certaines entreprises vont plus loin en intégrant la valeur de l’eau dans leurs décisions industrielles. Michelin, par exemple, a instauré un prix interne de l’eau fixé à 5 € le m³, modulé selon le niveau de stress hydrique local (1). Cette approche incitative favorise un usage plus raisonné, l’optimisation des procédés et la réutilisation de l’eau.

  • Financer l’innovation pour transformer les usages 

Saint-Gobain a mis en place un fonds dédié aux projets industriels visant à réduire de 50 % les prélèvements d’ici 2030 (1). Ce fonds soutient l’expérimentation de technologies innovantes : mesurage en continu, intelligence artificielle, simulation à l’échelle de la durée de vie des actifs. 

  • Anticiper et simuler la disponibilité de l’eau et mettre en place une approche écosystémique et collaborative. 

La gestion durable de l’eau ne peut se faire en silo. Les entreprises doivent comprendre l’état hydrologique du bassin versant dans lequel elles opèrent, et collaborer avec l’ensemble des parties prenantes locales : collectivités, agriculteurs, industriels, citoyens. 

Cette approche écosystémique est essentielle pour garantir un partage équitable de la ressource, prévenir les conflits d’usage et préserver les milieux naturels.

L’innovation au service de l’équité hydrique : retour sur le hackathon ‘Water Scarcity’ organisé par l’Invent Lab

Capgemini Invent a organisé un hackathon dédié à la gestion de l’eau (2). Accompagné de partenaires académiques (ESIIL, Boulder University Colorado & Climate Informatics), et d’un comité scientifique composé d’experts R&D de Groupama, Suez et EDF, le hackathon a mobilisé plus de 100 participants qui ont travaillé sur deux axes majeurs : 

  • La prédiction des débits d’eau, grâce à des modèles d’intelligence artificielle, avec plus de 775 soumissions réalisées et des modèles dépassant de 9,5% les performances initiales du modèle 
  • L’optimisation de l’allocation de la ressource au sein d’un bassin versant en prenant en compte les impacts environnementaux, la valeur économique et les priorités d’usage, testée sur plus de 200 scénarios intégrant différentes typologies d’acteurs, d’usages de l’eau, de niveaux de pénurie et de biais.

L’enjeu du hackathon était de démontrer l’intérêt de l’usage du Machine Learning pour la prédiction, mais également de réfléchir à des scenarios d’allocation de l’eau, tout en analysant leurs impacts sur les écosystèmes et parties prenantes. 

 Pari réussi à la suite des démarches innovantes proposées par les 4 équipes lauréates, qui ont démontré le potentiel de l’IA pour : 

  • Prédire les débits d’eau et les risques de pénurie, tout en garantissant des modèles frugaux, moins consommateurs d’énergie & d’eau 
  • Maîtriser les incertitudes de prédictions des débits d’eau, y compris sur des stations de mesure sans prédictions historiques. 
  • Créer différentes politiques incitatives (quota, subvention, amendes) permettant de garantir la pérennité des écosystèmes  
  • Étudier les effets des incertitudes de prédictions sur le comportement des acteurs

Vers une gouvernance responsable de l’eau

L’eau n’est plus un acquis. Elle devient un facteur de résilience, un levier de compétitivité, et un marqueur de responsabilité pour les entreprises. Contrairement au carbone, les risques liés à l’eau sont localisés, ce qui nécessite des objectifs spécifiques à chaque site. La technologie, y compris la collecte de données avancées et les perspectives pilotées par l’IA, améliore l’analyse des performances et la collaboration des parties prenantes pour gérer efficacement les ressources en eau. 

Capgemini accompagne les entreprises dans cette transformation, en mobilisant les leviers organisationnels, humains, technologiques & IA, nécessaires à une gestion durable de l’eau. Car préserver cette ressource vitale, c’est aussi garantir la pérennité des modèles économiques et la stabilité des territoires.

Sources : 

  1. Podcast Capgemini : https://share.transistor.fm/s/20054184
  2. Plateforme du hackathon : https://www.codabench.org/competitions/4335

Auteurs

Julie Richon

Julie Richon

Responsable du programme IA & Sustainability de l’Invent Lab​, Capgemini Invent
Julie Richon a la charge du programme Environnement de l’Invent Lab, ainsi que des offres utilisant la Data & l’IA au service des enjeux climatiques. Avec une expérience de plus de 15 ans dans l’industrie et le conseil, sur des problématiques supply chain et environnement, Julie coordonne des travaux de recherche et accompagne nos clients dans la compréhension de leurs risques climatiques & environnementaux.​
Anne-Marie Fouchet

Anne-Marie Fouchet

Director – Sustainable Futures, Capgemini Invent
Anne-Marie conçoit et pilote des transitions environnementales pour les industriels, en s’appuyant sur ses 12 années d’expérience au sein d’entreprises spécialisées dans l’environnement et la mobilité, en France et aux États-Unis. Elle a développé des solutions dans les domaines de l’eau, des déchets et de la mobilité pour des clients industriels et municipaux : mise en place de solutions de recyclage, développement de projets de méthanisation pour les industriels, traitement des eaux usées de centrales à charbon, systèmes de suivi énergétique, etc.
    Pour aller plus loin

    Ouvrir la voie en matière de développement durable

    Accélérer la durabilité dans un monde en pleine mutation.