Passer au contenu

L’AssurTech, un phénomène en constante progression sur les dernières années

Capgemini Invent
24 avril 2020
capgemini-invent

Dans un monde hyperconnecté, les risques changent, les actifs numériques prennent de la valeur et les préférences des clients évoluent vers l’immédiateté, la simplicité et la personnalisation.

Les Millenials (-30 ans) représentent déjà 31,5% de la population mondiale et leur appétit pour le digital et l’innovation est forte, comme le retrace le World Insurtech Report 2019 publié par Capgemini. Les acteurs technologiques gagnent rapidement en visibilité et captent une part croissante de la valeur du marché de l’Assurance.

Par Thierry LORAS, Directeur Practice Assurance France et Samir BOUZIR, Lead Solutions Innovantes et Transversales au sein de Capgemini Services Financiers et Antoine SAVARD, Principal Transformation Digitale dans les Services Financiers et Mathieu HEGE, Vice President Transformation Digitale dans les Services Financiers au sein de Capgemini Invent.

Il y a sept ans, le terme « InsurTech » n’existait pas. Lorsque le mot est apparu pour la première fois sous la forme de hashtag sur les réseaux sociaux, la question était : « Qui sera le Uber de l’assurance ? » Les assureurs se sont lancés dans ce domaine de différentes manières : en investissant, en incubant des projets d’innovation, en collaborant avec de jeunes startups ou même en créant leurs propres InsurTechs.

Les acteurs de l’AssurTech arrivent à un premier niveau de maturité

Depuis 2012, au niveau mondial, plus de 10 milliards de dollars ont été investis dans le secteur de l’AssurTech. En France, bien que les investissements aient quelque peu diminué ces dernières années, nous pouvons observer une croissance continue du nombre d’acteurs (47 acteurs en 2017, 106 en 2018 et 169 en 2019).

Les compagnies d’assurance ne peuvent donc plus les ignorer et doivent désormais s’interroger sur la bonne façon de composer ou de collaborer avec elles. Pour les assureurs établis, les AssurTechs peuvent en effet être des accélérateurs facilitant l’adoption de nouvelles technologies le long de la chaîne de valeur. Pour réaliser ce potentiel, il est important que les deux parties se concentrent sur leurs forces intrinsèques respectives.

Trois tendances décrivent la manière dont l’environnement compétitif a mûri au fil du temps : la diversification, la professionnalisation et la collaboration.

1. Diversification

Au début, les AssurTechs se concentraient principalement sur l’assurance dommages et la distribution. Désormais, nous pouvons observer une diversification des acteurs AssurTechs qui créent des solutions digitales tout au long de la chaîne de valeur assurantielle (distribution, aide à la vente, analyse de risque, gestion sinistres, fraude, paiement), ainsi que sur l’ensemble des lignes métiers (IARD, Santé Individuelle, Prévoyance, Collectives). Cela offre de nombreuses possibilités d’intégration dans les différents modèles commerciaux existants.

La nécessaire mutualisation des forces pour une transformation profonde de l’industrie

La première vague d’AssurTechs était principalement constituée de néo-courtiers IARD cherchant à capter la relation client en digitalisant les parcours utilisateurs et en proposant des modèles disruptifs.

La vague émergente des AssurTechs actuelle privilégie les modèles B2B en proposant toujours plus de services destinés aux courtiers et aux assureurs. La réinvention de l’expérience client et de la distribution d’assurance reste ainsi le terrain de jeu privilégié de ces startups.

2. Professionnalisation

La deuxième tendance – la professionnalisation – accompagne généralement la maturité. Les entrepreneurs de l’AssurTech se heurtent rapidement aux exigences réglementaires, aux coûts élevés d’acquisition client et à l’intensité capitalistique nécessaire pour prendre place dans le secteur complexe de l’Assurance. L’innovation est générée par les entreprises prêtes à prendre des risques, mais elle nécessite également de la persévérance, une planification et une maîtrise de la croissance ainsi qu’une stratégie de mise en marché solide.

A ce jour, seuls Alan et Seyna représentent actuellement des néo-assureurs français de plein exercice, les autres privilégiant le modèle de courtage ou de service aux assureurs.

3. Collaboration

Ce qui nous conduit à la troisième tendance observée : la collaboration. Actuellement, moins de 15% des acteurs de l’AssurTech cherchent à disrupter fondamentalement le modèle économique de l’assurance. A l’inverse, près de deux tiers d’entre eux se concentrent sur des maillons spécifiques de la chaîne de valeur, dans le but de s’intégrer aux acteurs assureurs ou courtiers établis. Le défi n’est plus « AssurTech » contre « Assureur traditionnel », mais plutôt de savoir comment les deux peuvent travailler ensemble pour créer une valeur tangible pour le client.

La mise en commun de ces trois tendances ouvre la voie à un nouveau modèle industriel, dans lequel les Assureurs et les acteurs de l’AssurTech collaborent étroitement pour conduire une transformation profonde de l’industrie. Ce modèle de collaboration devra à la fois combiner les atouts des acteurs traditionnels (marque, base de clients, data, maîtrise technique, réseaux physiques) et les nouvelles compétences apportées par les AssurTechs (agilité, parcours client simplifié digital, expertise technologique, stratégie de niche et attractivité pour de nouveaux talents).

Les atouts des Assureurs traditionnels :

De nombreux opérateurs historiques tirent profit du fait qu’ils ont des marques qui inspirent confiance, avec une réputation acquise au fil de décennies de services rendus à leurs clients. Cette base existante de clients représente l’un des principaux « actifs » de ces acteurs historiques et une forte « barrière à l’entrée » pour les nouveaux entrants. Des équipes expérimentées et compétentes – des souscripteurs aux gestionnaires de sinistres – représentent par ailleurs un avantage opérationnel significatif. Enfin, la taille actuelle atteinte par les assureurs traditionnels leur offre l’assise financière nécessaire pour pénétrer de nouveaux marchés, faire des paris stratégiques et soutenir le lancement de nouveaux produits et de services à valeur ajoutée.

Nouvelles compétences :

Les acteurs de l’AssurTech sont souvent des start-ups avec des modèles économiques « simplifiés » et des domaines d’intervention restreints. Beaucoup d’acteurs AssurTechs disposent de capacités d’analyse de données avancées incluant l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique. Ce sont des entreprises digitales capables de saisir les opportunités de marché beaucoup plus rapidement que les compagnies d’assurance traditionnelles. Ils sont ainsi plus susceptibles de revendiquer une culture agile tournée vers l’innovation, les positionnant comme véritables accélérateurs dans la transformation de l’industrie.

Il est aisé de voir la nature complémentaire des Assureurs et des AssurTechs. Le défi consiste désormais à trouver la meilleure manière de faire fructifier et mettre en œuvre cette collaboration. C’est un changement de mentalité et de culture, mais il existe des moyens pour faciliter la collaboration. Les Assureurs traditionnels doivent évoluer vers la mise en œuvre de plateformes « ouvertes » à l’écosystème afin de faciliter l’intégration de nouvelles solutions digitales via des API standardisées (Interface de Programmation d’Application), proposées par de nombreuses sociétés AssurTechs.

L’anticipation d’une nouvelle forme de concurrence issue des plateformes de services

La distribution de l’assurance n’échappera pas à la transformation digitale. Mais contre toute attente, les disruptions « profondes » ne seront pas forcément impulsées par de nouvelles AssurTechs améliorant l’expérience client : elles pourraient plutôt venir des plateformes de services, en contact avec des millions de clients.

En effet, les plateformes de services (comme BlaBlaCar, FitBit ou encore Malt) bénéficient de plusieurs atouts : d’importantes bases de clientèle, une connaissance approfondie du client, et des points de contact réguliers.

Ces plateformes de services créent de la valeur pour leurs clients, sans lien apparent avec l’assurance. Cependant, il paraît évident de pouvoir en intégrer dans leur chaîne de valeur. En effet, au-delà du nombre de clients, ces plateformes ont la capacité de comprendre parfaitement qui sont leurs clients, comment ils se comportent et ce dont ils ont besoin grâce à la collecte de données sur leurs utilisateurs.

La plateforme BlaBlaCar a commencé à générer des prospects pour AXA. Elle a ensuite remonté la chaîne de valeur en obtenant une licence de courtier en assurance auprès de l’ORIAS en France et vend des polices d’assurance sous la marque « BlaBlaSure », alors que le produit est créé par AXA.

Dans une récente déclaration, le PDG d’AXA, Thomas Buberl, exprime que de son point de vue, la menace concurrentielle viendra davantage des grands géants de la technologie : Amazon, Facebook, Google, etc., plutôt que des AssurTechs. Ainsi la stratégie d’Axa pour faire face à la concurrence des grandes entreprises technologiques consiste à devenir leur partenaire de choix au niveau mondial.

Conclusion

Face à la maturité atteinte par l’écosystème AssurTech sur les dernières années et de nouvelles formes de concurrence issue des plateformes de services, il est essentiel pour les Assureurs traditionnels de repenser leur modèle d’affaires.

Le futur modèle industriel s’appuiera sur les synergies que les Assureurs et les Assurtechs dégageront de leur partenariat, notamment pour le développement de nouvelles offres comme le souligne le World Insurtech Report 2019. Les acteurs mettant en œuvre cet écosystème ouvert seront les mieux préparés au nouveau jeu concurrentiel mêlant Assurance et Services, au sein de places de marché globales, à l’heure de la bataille des plateformes.