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Charise-Le
Talent et Leadership

Entretien avec Charise Le, directrice des ressources humaines, Schneider Electric

Assurer une réponse humaine globale et locale à la pandémie

Capgemini Research Institute s’est entretenu avec Charise pour comprendre l’impact de la pandémie sur la stratégie des modes de travail virtuels et la gestion des talents de Schneider Electric.

Charise Le est directrice des ressources humaines et membre du comité exécutif de Schneider Electric, un leader mondial de la transformation numérique de la gestion de l’énergie et des automatismes. Après avoir occupé pendant 15 ans différents rôles dans le domaine des ressources humaines au sein de Schneider Electric, Charise a pris le rôle de CHRO en avril 2020.

Leadership et modèles opérationnels dans un environnement pandémique

Compte tenu de la nature dynamique de la pandémie dans le monde, comment votre modèle a-t-il contribué à responsabiliser les équipes locales ?

J’ai vite compris qu’il n’y avait pas de réponse unique pour gérer une crise comme celle-ci. La situation dans chaque pays est si différente et si changeante que nous avons du nous adapter et gérer la crise à la fois au niveau mondial et local. Nous opérions déjà dans un modèle très décentralisé avant la pandémie puisque notre ambition et notre philosophie d’entreprise réponse sur une approche dite « multi-locale». Notre siège social est réparti sur quatre centres (« hubs ») : la France pour l’Europe, Hong Kong pour l’Asie, Boston pour l’Amérique du Nord, et plus récemment, l’Inde. Nous responsabilisons nos employés et dirigeants à prendre des décisions qui s’appliquent à leur communauté. Par exemple, nous permettons à nos équipes de personnaliser nos offres et nos produits car il est évident qu’il faut pouvoir répondre aux spécificités de chaque marché. Nous avons donc adopté la même politique pour gérer nos personnels et adaptés nos méthodes de travail pendant la pandémie. Et nous avons pu constater que ce modèle multi-hub fonctionnait très bien en temps de crise, grâce à cette focalisation locale et la la responsabilisation des équipes.

L’expérience employée et les futures modes de travail

Quel impact le travail virtuel a-t-il eu sur vos effectifs ?

Lorsque la pandémie a frappé, 89 % de nos employés dans le monde ont travaillé 100% de leur temps à distance, à l’exception d’un petit nombre d’entre eux dont la présence sur nos sites de production était critique. Fait intéressant, pendant cette période, l’engagement de nos employés a atteint son plus haut niveau depuis 2012, mesure obtenue à la suite du sondage « One Voice » pendant la  période (sondage faitt régulièrement et en posant systématiquement les mêmes six questions –  par exemple : « Je n’hésiterais pas à recommander Schneider Electric pour un ami à la recherche d’un emploi).  Nous avons seulement ajouté un ensemble spécifique de questions liées à la pandémie qui couvraient des domaines tels que l’accompagnement des managers, la communication, la santé, la sécurité et la perception des employés sur la façon dont la crise était gérée. Notre indice d’engagement des employés en 2020 était de 69 %,  taux le plus élevé depuis 2012 où il était de 55%.  Nous avons du faire quelque chose de bien…

Quel modèle envisagez-vous pour les futurs modes de travail ?

Nous avons interrogé nos collaborateurs sur leurs préférences et globalement, 83 % de nous ont dit préférer un modèle de travail hybride, mélange de travail à domicile et de travail au bureau. Nous avons constaté néanmoins des variations selon les pays, le genre, le rôle ou encore l’âge. Par exemple, les employés chinois semblent largement préférer travailler du bureau la plupart du temps. Cette approche géocentrique est notre norme et offrir cette flexibilité d’adaptation de nos politiques globales basées sur les réglementations ou préférences locales nous semble pertinente. En octobre 2020, nous avons renforcé notre politique « Flexibilité au Travail » en établissant deux jours de travail à domicile comme norme mondiale dans toute l’entreprise. Cette politique encadre déjà notre façon de travailler aujourd’hui et perdurera après la COVID. Elle s’applique à toutes nos équipes à travers le monde et les professions, y compris nos forces de vente. La seule exception s’applique à une fraction de nos collaborateurs, qui compte tenu de la nature de leur travail, doivent être physiquement présents dans les usines et les différents sites de production. Il n’est pas facile de prendre une décision de cette nature et de l’appliquer partout à la même vitesse, notamment parce qu’il demeure toujours des résistances culturelles, plus ou moins forte selon les pays. Comme tout changement, cela prend du temps, mais j’ai la ferme conviction qu’il s’agit cette forme d’hybridation du travail sera notre quotidien et nous devons donc nous y préparer. Il est également important de noter que nous ne promouvons pas le « travail depuis partout ou n’importe où». Si nous considérons positivement le travail à domicile, nous croyons aussi également profondément aux vertus des relations avec des collègues et des clients en présentiel notamment pour stimuler l’innovation.

Comment équilibrez-vous la pression toujours plus forte sur l’entreprise due à la conjoncture économique et les risques de « burn out »  des salariés ?

Je pense que la chose la plus importante à faire est simplement et d’abord de reconnaître le phénomène. Nous reconnaissons que travailler en mode hybride n’est pas facile – ce n’est pas une compétence innée et il entraîne des défis uniques pour les individus, les dirigeants et les équipes. Concilier sa vie personnelle et professionnelle n’a jamais été simple. Devoir le faire concomitamment et sur un même lieu accroit la difficulté. Nous formons nos managers à davantage d’empathie et de qualité d’écoute envers leurs collaborateurs et à ajuster leur style de leadership et de communication. Les employés apprennent à acquérir plus d’autonomie et de responsabilité directe. Nous avons rassemblé des nouvelles règles dans ce sens dans notre « playbook » interne. Il est important que nos dirigeants maintiennent un dialogue continu avec leurs collaborateurs et s’entendent sur les meilleures façons d’opérer : choix télétravail vs.bureau, fixation d’objectifs clairs ou règles pour caler leur relation de travail afin que chacun ait la possibilité de se connecter « physiquement » en temps que de besoin.

Les talents de demain : attirer les talents, garantir la diversité et l’inclusion et soutenir le changement

En regardant l’avenir, comment Schneider Electric adapte t’il son approche du recrutement face à un modèle de travail hybride et à une possible réduction des frontières géographiques physiques ?

Du point de vue du recrutement des talents, quelle soit l’échelle ou la géographie, cette questions n’est pas quelque chose de nouveau pour nous. Nous avons mis en place notre modèle « multi-hub » pour être au plus proche de nos clients dans chacune des trois régions, mais aussi pour être plus à même d’accompagner le recrutement des talents et le développement de nos employés. Nous voulons être la «plus globale des entreprises locales» dans tous les pays où nous opérons. Le pouvoir est éclaté, et les décisions sont prises dans les régions. Les cadres dirigeants de l’entreprise sont également répartis dans les trois régions : Europe, Amérique du Nord et Asie. J’en veux pour preuve mon propre exemple. En tant que CHRO basée à Shanghai, je n’ai pas été obligée de déménager pour ma nouvelle prise de fonction, ce qui est très unique. La plupart du temps les cadres supérieurs se voient tenus de se rapprocher du siège. Chez SE, si vous n’êtes pas mobile, c’est votre travail qui vient à vous. Notre objectif est d’avoir 80% ou plus de nos postes pourvus par des talents locaux au sein de chaque région, et les 20 % des collaborateurs occupant des rôles au sein de chaque région pouvant vivre n’importe où dans le monde. Ces initiatives contribuent à attirer des embauches externes – à la fois diplômés expérimentés et universitaires – car nous pouvons embaucher des personnes du monde entier.

Quelles actions concrètes menez-vous pour atteindre votre ambition d’équité entre les genres ?

Notre ambition 2025 est un équilibre hommes-femmes 50/40/30, à savoir que les femmes doivent représenter 50% des embauches, 40% doivent occuper des responsabilités managériales de premier plan et 30 % appartenir au Comité de Direction. Pour atteindre nos objectifs, il est important de se concentrer sur la phase de recherche pour s’assurer d’avoir une équipe de direction équilibrée. Fin 2020, les femmes représentaient 47 % de notre top management, 24 % parmi les plus seniors et 25 % dans des postes de direction. Une façon d’y parvenir est d’élargir notre vivier interne de femmes leaders via des embauches, et en renforçant leur présence dans des rôles commerciaux et techniques. À ce jour, par exemple, les femmes représentent 21% des rôles STEM avec un taux d’embauche de 34 %. Nous avons également lancé le Schneider Women Leaders’ Program (SWLP) – un programme mondial de leadership pour les femmes à haut potentiel. Il s’agit d’un programme de neuf mois composé de coaching et d’ateliers virtuels, s’achevant sur un sommet mondial virtuel de trois jours. À ce jour, nous comptons 236 femmes à fort potentiel à travers le monde qui ont bénéficié de ce programme, ce qui soutient notre ambition 2025.

Quels sont les autres groupes d’employés bénéficiant de vos initiatives de diversité ?

Au niveau mondial, nous nous concentrons sur cinq formes de diversité: genres, générations, nationalité/l’ethnicité, les LGBT+ et les personnes handicapées. Pour chacun d’eux, nous avons un mélange d’actions globales et locales. Par exemple, pour la diversité générationnelle, nous nous engageons à offrir davantage d’opportunités à deux cibles principales : les personnes en début de carrière et les talents seniors. Les jeunes ont été fortement impactés par pandémie de COVID-19 en termes d’employabilité. Nous voulons doubler la taille de nos programmes de début de carrière (qui comprennent des stages, des premiers jobs, de l’apprentissage ou des cooptations). Un mode de travail plus virtuel et digital nous aide à atteindre cet objectif. Les travailleurs seniors ont également été fortement impactés par COVID-19, et nous nous nous sommes engagés à soutenir les talents les plus seniors aussi afin de leur offrir le meilleur pour leur fin de carrière. L’une de nos ambitions pour 2025 est aussi de s’occuper de ces salariés plus seniors (à 10 ans de la retraite) en leur permettant d’accéder à un bilan de carrière systématique et à un plan de développement. La plus longue longévité de la population mondiale va de pair avec une présence également plus longue sur le marché du travail. Nous pensons que l’avenir appartient à ceux qui savent combiner ces expériences multi-générationnelles.