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Les quatre chantiers de la décarbonation des mobilités

Fares Goucha & Stéphane Lefranc
18 décembre 2023

Les transports sont responsables d’un quart des émissions mondiales de GES dont la moitié est liée au transport de personnes. Pour atteindre la neutralité en 2050 et éviter une catastrophe climatique, plusieurs chantiers doivent être menés simultanément pour que les mobilités douces deviennent le standard de demain.

1 – Les plateformes numériques, sésame de la multimodalité

Requiem pour l’auto solo ? Le basculement vers les mobilités douces et les transports en commun repose sur leur capacité à démontrer leur facilité d’usage par rapport à l’automobile individuelle. Pragmatique, le voyageur opte en effet prioritairement pour la solution la plus simple, la plus rapide et la plus confortable pour se rendre d’un point A à un point B. En informant en temps réel sur l’état des trafics et en proposant les meilleurs itinéraires personnalisés, les plateformes de MaaS (Mobility as a Service) proposent aujourd’hui une alternative viable.

Largement utilisées par les jeunes urbains des grandes métropoles, ces plateformes ont vocation à servir des bassins de population toujours plus étendus et proposer des services élargis (diversité des modes de transports, achat de billets, réservation de taxi…). Ainsi l’application Île-de-France Mobilités permet ainsi aux Franciliens de planifier leurs déplacements depuis une interface unique, en mixant RER, métro, tramway, bus, vélo, covoiturage…

Dans un autre registre, l’expérimentation « Mon compte mobilité », pilotée par le ministère chargé des Transport et portée par Capgemini et la Fabrique des Mobilités, permet aux utilisateurs (d’Île-de-France et de l’agglomération de Mulhouse) de profiter de toutes les aides mobilités auxquelles ils peuvent prétendre, qu’elles émanent de l’État, des collectivités locales ou des entreprises. Cette plateforme qui rassemble les données d’un très vaste écosystème a pour ambition de simplifier à l’extrême l’utilisation des subventions et, ainsi, d’accélérer la transition vers les mobilités douces. Ce projet se double d’une réflexion poussée autour de la construction d’interfaces standardisées afin de faciliter encore plus les usages digitaux au service des nouvelles mobilités.

2 – La grande mutation du ferroviaire

Le rail reste l’un des grands vecteurs de décarbonation des transports, et pas seulement sur les longues distances avec le TGV. Dans une stratégie multimodale, il a aussi son rôle à jouer dans les zones à faible densité de population disposant d’une gare du réseau secondaire afin d’offrir une alternative à  « l’autosolisme ». L’équilibre écologique et économique des lignes secondaires nécessite une double innovation : une approche décentralisée au niveau de la maille la plus fine du territoire (pour délivrer le bon service au bon moment aux bonnes personnes) et des infrastructures ainsi qu’un matériel roulant à faible empreinte environnementale. Tel est l’objet du projet TELLi (Train Léger innovant) conduit par la SNCF et onze partenaires.

Éco-conçu, capable d’interagir avec la signalisation ferroviaire (circulation en gare…), propulsé par hydrogène avec un appoint batteries, TELLi sera également modulable pour répondre aux besoins spécifiques de chaque région (nombre de places assises, espaces dédiés pour les vélos …).

Les études et simulations sont actuellement réalisées sur un jumeau numérique, développé par Capgemini, afin de mesurer et d’améliorer toutes ses performances sur l’ensemble du cycle de vie (flux de passagers, performance énergétique…). Rendez-vous en 2029 pour les premières lignes TELLi.

3 – Le transport aérien et la course à la sobriété

Nouveaux carburants, nouveaux appareils : la décarbonation de l’aviation est fortement dépendante des progrès technologiques attendus dans la conception des avions et le remplacement du kérosène par des alternatives éco-responsables. De nombreux obstacles doivent encore être franchis.

Les espoirs soulevés par l’hydrogène se heurtent notamment à la capacité des avions à embarquer des quantités suffisantes pour des vols longues distances. Quant au bio-carburant, leur démocratisation supposerait un accroissement radical des terres cultivées, irréalistes à ce stade. Grâce notamment aux modélisation digitales, les concepteurs sont aujourd’hui en mesure de modifier virtuellement les caractéristiques d’un appareil (allègement de la structure, aérodynamisme…), de les tester et de les peaufiner. Les gains de temps et financiers sont gigantesques et la découverte de nouveaux leviers de performance s’accélère.

C’est le cas de Solar Airship One, prototype de dirigeable 100 % électrique, modélisé en laboratoire, et qui devrait effectuer son premier tour du monde sans escale en 2026. Au-delà de l’exploit, ce nouveau type d’aéronef augure une nouvelle approche du transport de personnes et de fret pour le futur.

4 – Automobile, passer de la priorité à l’usage

Décriée pour sa contribution aux émissions mondiales de gaz à effet de serre, l’automobile garde toute sa légitimité dans une approche multimodale des déplacements. Mais l’industrie doit réussir sa mue, en produisant des véhicules plus légers, dotés de motorisations propres (électrique, hydrogène…), éco-conçus et privilégiant les matériaux recyclés… Et tout cela, à des prix abordables ! Seul un parc suffisamment important permettrait d’offrir des pris compétitifs. Les aides financières gouvernementales ou locales et les gigafactories jouent un rôle clé dans l’accélération de l’électromobilité. A ce titre, Capgemini est fier d’être un partenaire central d’ACC, qui développe l’une des plus prometteuses gigafactorie sur le site de Douvrin dans le Nord.

Dans le même temps, une transformation des comportements s’impose. Le rapport personnel à la voiture et le côté statutaire auquel elle renvoie doivent évoluer. L’heure n’est plus à la propriété mais à l’usage : auto-partage, co-voiturage, location temporaire… La start-up Circle développe ainsi une innovation de rupture porteuse d’avenir : des micro-voitures partagées (véhicules électriques, habitacle auto-désinfectant…) pour des déplacements urbains. Chaque automobile Circle a un potentiel de remplacement théoriquede 5 véhicules privés. Si l’automobile a toujours un avenir dans un monde décarboné, elle doit s’inscrire dans un nouveau paradigme écologico-économique.

Auteurs

Fares Goucha

Vice President Rail Industry, Capgemini Invent

Stéphane Lefranc

Directeur – Sustainability Business Services Managing
Stéphane Lefranc a plus de 25 ans d’expérience professionnelle dans les services mêlant direction générale, conseil en management et entrepreneuriat. Ses domaines d’expertises incluent la stratégie, le développement des clients et des affaires, l’organisation et la performance. Stéphane a travaillé dans divers secteurs tels que les services, l’énergie, et les services publics.
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