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Les mots du jour d’après : Repenser l’entreprise

Capgemini Invent
1er juillet 2020
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Traverser une crise, c’est trouver l’angle de vue et les ressources qui permettent de transformer l’obstacle en opportunité.

Le rôle du leader renvoie autant à son discernement et son regard, qu’à sa capacité à questionner le modèle d’entreprise et à mobiliser sans découragement les forces en présence pour s’adapter et tenir le cap durablement quelles que soient les turbulences. Ainsi, la crise du COVID-19 nous conduit à nous interroger positivement sur l’entreprise et le sens profond de son action dans la société après la pandémie.

Pour développer ou renforcer son caractère résilient, soutenable et responsable, l’entreprise de demain doit encore plus qu’avant réfléchir à sa raison d’être et apprendre à refonder une partie de ses modes de fonctionnement : repenser sa relation client, son modèle de gouvernance, le rôle et la place de ses collaborateurs et créer de nouvelles formes de coopération avec ses partenaires et fournisseurs. 

Le client toujours au centre : confiance, fidélisation, digitalisation 

Un des enseignements de la crise est que les entreprises qui résistent le mieux sont celles qui savent s’adapter rapidement à l’évolution des clients. Les dirigeants doivent revisiter leur relation client en mettant en place un dispositif d’écoute et d’anticipation des besoins plus structuré, en multipliant les contacts multicanaux, de façon à adapter les offres et procéder à une revue du portefeuille client par une analyse de la valeur plus ciblée. Pour mieux anticiper les comportements de consommation, un grand acteur de la distribution spécialisée a mis en place un dispositif d’analyse des réseaux sociaux grâce à l’intelligence artificielle pour adapter ses produits, ses services et sa communication client.  

Remettre le client au centre des opérationssur l’ensemble de la chaine est une priorité. Une entreprise de services a pendant la crise revu ses centres d’appels en introduisant en amont le canal vidéo plus systématiquement, créant ainsi de meilleures conditions de confiance et simplifiant au maximum en aval les processus de traitement des demandes.  

Le renouvellement profond d’une expérience client plus personnalisée et sans contact passe par une accélération du numérique en offrant des expériences plus fluides et en diminuant l’effort client sur les points de contact digitaux. Les études récentes de Capgemini montrent que la pandémie a été un catalyseur de l’adoption des interfaces sans contact – 77% des consommateurs prévoient d’augmenter leur l’utilisation de ces technologies [1]– et que le taux d’utilisation de la vente en ligne augmentera de 30% d’ici fin 2020 [2].  

Une capacité à décider rapidement pour adapter son business model  

La question de la gouvernance et de la prise de décision est cruciale pour les entreprises confrontées à des situations inédites. Les dirigeants doivent adapter leur posture et mettre en place des processus de décision plus réactifs pour s’adapter aux turbulences, décider rapidement et garder le cap.Cela suppose au préalable d’avoir aligné son équipe de direction sur les valeurs (équité, solidarité, confiance…) et la mission propre de l’entreprise. Les délibérations sont alors axées en priorité sur les moyens et l’analyse d’impacts avec un processus de décision en boucle courte.  Une entreprise de la grande distribution a mis en œuvre un dispositif de feedbacks systématiques à deux niveaux visant à ajuster le tir le cas échéant :  

  • Des feedbacks de l’équipe de direction sur les choix effectués via des instances plus courtes et plus ciblées, sur les thèmes comme la mobilisation des collaborateurs, la dynamique commerciale, les impacts financiers ;  
  • Des feedbacks du terrain via des « capteurs » permettant de remonter la perception et d’évaluer rapidement l’efficacité de l’exécution de la décision (modalités de mise œuvre, appropriation). 

Les tableaux de bord de pilotage doivent également passer d’une logique rétrospective sur base d’informations prédéfinies ou d’analyses historiques, à une logique résolument prospective, sur base de détection de signaux faibles, de tendances, d’analyse de sensibilité et de scénarii [3]. Un travail doit être réalisé sur l’analyse d’informations, pouvant être à première vue irrationnelles, de façon à repérer suffisamment tôt les potentiels de crises. Cela suppose un questionnement plus ouvert sur des variables non habituellement appréhendées ou des convergences d’idées et d’intuitions, des cockpits de pilotage en temps réel. La « data » va être un facilitateur : désiloter et tracer l’information existante, l’enrichir et l’exploiter grâce à des technologies digitales de plus en plus matures.  

La prise de décision du dirigeant nécessite non seulement de s’appuyer sur des critères rationnels, mais implique également l’intuition et l’imaginaire créatif pour innover, adapter son business model au bon moment et être toujours plus compétitif. Anticiper sans se précipiter : la réussite est dans le coup d’avance. Enfin, toute décision ne relève pas que d’un seul. La tâche des dirigeants est de combiner tous les atouts de l’entreprise afin de susciter l’intelligence collective : le capital humain doit ainsi être replacé en son cœur.  

Positionner les collaborateurs dans un rôle différent dans l’entreprise de demain  

Afin de tirer profit de ce capital humain et susciter une émulation et une intelligence collective pérenne, une évolution significative dans le positionnement des collaborateurs s’impose. Les collaborateurs ne doivent plus se considérer comme des acteurs passifs au sein de leur entreprise, ni être considérés uniquement comme une ressource apporteuse de main d’œuvre.  Les entreprises doivent motiver et donner les moyens à leurs forces vives de partager et de concrétiser leurs idées et opportunités d’innovation pour développer leur entreprise. 

Le premier facteur clé de succès de cette démarche d’innovation participative consiste à avoir un soutien au plus haut niveau et des dirigeants convaincus et animant cette démarche. Le second facteur clé de succès et de pérennisation de ce nouveau modèle opérationnel est d’avoir un processus de prise de décision et une plateforme digitale participative qui sécurisent la concrétisation des innovations priorisées et la communication des résultats atteints.  Ceci engage les collaborateurs dans le développement de leur entreprise et les fait basculer vers un nouveau positionnement de force vive apporteuse d’innovations.  

Autre changement majeur suscité par la crise qu’on subit depuis plusieurs mois, celui des modes de travail que l’on pensait immuables. Les nouveaux modes de travail [6] imposés par la pandémie ont forcé les collaborateurs et les dirigeants à s’adapter rapidement, à utiliser de nouveaux outils, de nouveaux modes de collaboration, de sociabilisation et de management pour pallier l’absence de proximité et de relations sociales. Dans le monde post-COVID, il est impossible de revenir au modèle d’avant comme si de rien n’était. De nouveaux paradigmes du travail savamment dosés apparaissent.  

Les entreprises doivent garantir à leurs collaborateurs une cohabitation équilibrée entre :   

Leprésentiel pour rétablir des liens sociaux solides entre collègues, renforcer le sentiment d’appartenance à une communauté d’intérêt soudée dans l’adversité  

… Et le télétravail tout en sécurisant une frontière claire entre vie perso et vie pro.  

Afin de réussir cette transition, les entreprises doivent, encore plus qu’avant, rallier leurs collaborateurs autour de valeurs fortes, celles qui prédominaient avant le COVID-19 et certainement en rajouter d’autres issues de cette nouvelle innovation participative.   

L’écosystème 

La crise a également montré de multiples vulnérabilités dans la chaine de valeur des entreprises (ruptures de flux, délais d’approvisionnement rallongés ou dépendance à un fournisseur). Les entreprises doivent s’appuyer sur un écosystème recomposé de partenaires et de fournisseurs. Cela permettra de partager la charge de l’innovation, le succès d’un produit mais également les risques associés tout au long des chaines de valeur et d’approvisionnement. Ce nouveau portefeuille de partenaires doit être diversifié et relocalisé et permettre de répondre aux nouveaux enjeux industriels et logistique : flexibilité et résilience [4] . Les entreprises aboutiront à ce nouvel équilibre entre partenaires en répondant à l’optimisation combinée de leur structure de coûts et de leur degré de résilience. Cela passe par une analyse systématique des points de vulnérabilité [4] et de dépendance vis-à-vis d’un seul fournisseur ou d’une seule région.

On peut par exemple être amené à confier à des partenaires en Europe des fabrications qui n’apparaissaient pas stratégiques, mais qui le sont dorénavant clairement en ajoutant au prisme de la performance économique celui de la résilience, notamment en cas de limitations dans les transports. Le futur écosystème de partenaires des entreprises s’appuiera vraisemblablement sur un maillage plus local de PME. Cette recomposition permettra à ces PME de devenir des champions ou des spécialistes, leur donnera accès à des segments de marché avec des meilleures marges ou de plus forts volumes favorisant ainsi leur développement et leurs capacités d’innovation localement. 

La mise en place de ce nouvel écosystème de partenaires pourra aussi être soutenu par la transformation numérique et des approches plus agiles facilitant la collaboration entre les acteurs de l’entreprise et ses partenaires afin de manœuvrer rapidement [3]. Elle passe aussi par un soutien au développement et à la formation de ces nouveaux partenaires par filière et aussi par la mise en place de mécanismes de financements innovants et simplifiés. Les entreprises ont un champ d’opportunités très large pour remodeler leur relation client, leur gouvernance, faire évoluer leurs interactions avec leurs collaborateurs et leur écosystème extérieur. Elles doivent néanmoins se préparer à se séparer de certaines vieilles certitudes et adopter une posture d’humilité pour savoir anticiper les crises les plus exceptionnelles en conciliant transparence et courage managérial. 

Selon le principe darwinien, celui qui survit n’est pas le plus fort mais c’est celui qui sait s’adapter au changement avec vision et audace. L’enjeu pour les dirigeants est dorénavant de transformer leurs entreprises en repensant la relation avec leurs clients au sein de leurs opérations, en utilisant les leviers de l’agile comme un catalyseur de la résilience et de pérennité et en saisissant les opportunités offertes par l’analyse avancée des données. 

Références : 

[1] Capgemini Research Institute, Consumer Behavior Survey, April 4–8, 2020, N=11,281 consumers 

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