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Du mainframe au cloud, un chemin de mieux en mieux balisé

Lilian Chamontin, Florian Chantemesse & Skander Guetari
Oct 18, 2023

Quantité d’entreprises qui disposent encore d’environnements mainframe souhaitent s’en défaire au profit de technologies cloud qui répondent à la fois à leurs enjeux techniques et métier. Grâce à l’apparition d’outils et de méthodologies adaptés, cette bascule est de mieux en mieux maîtrisée.

Dans la finance, le secteur public ou certaines industries, les mainframes restent la plateforme de choix pour des processus à haute intensité. Bien souvent, ils supportent encore les systèmes cœur de métier (ainsi que bon nombre d’applications satellites !). Cette position clé, les mainframes la doivent principalement à leur antériorité ainsi qu’à leurs atouts en termes de performance, de sécurité et de résilience.

Ces grands systèmes présentent cependant des risques qui, hélas, vont grandissants, surtout au regard de l’alternative en constants progrès que constitue le cloud. Leurs coûts d’exploitation gonflent inexorablement avec la nécessaire augmentation des capacités et le coût croissant des technologies elles-mêmes. Loin de l’agilité et de la rapidité qu’offre le cloud, leur rigidité et la complexité des processus de développement nuisent à la compétitivité. La complexité de leurs architectures favorise aussi l’immobilisme et décourage l’innovation. Enfin, par manque d’attrait et de formations, l’expertise technique disparaît peu à peu.

Entre les précieux services qu’ils rendent encore et les risques qu’ils font peser, quitter les mainframes (ou même réduire leur empreinte) est souvent une décision délicate qui engage toute l’entreprise : faut-il privilégier (et pour combien de temps ?) ce statu quo efficace mais limitant les opportunités, ou bien se lancer dans ce qui sera à la fois une modernisation du cœur de métier et une rationalisation technique ?

Dans ce cas, les bénéfices attendus sont à l’exact opposé des risques de l’immobilisme : moderniser un patrimoine ancien, dont la maîtrise et la documentation sont très variables ; gérer la diminution progressive des experts (dev et ops) ; rendre possibles des livraisons rapprochées avec un haut niveau de tests ; simplifier les interactions entre les applications pour pouvoir se focaliser sur celles qui créent le plus de valeur et d’opportunités pour les métiers.

Le cloud, alternative et outil de la modernisation des mainframes

Pour moderniser son patrimoine mainframe, plusieurs stratégies sont possibles : réduire peu à peu le périmètre au gré des opportunités ; optimiser la facturation liée à la consommation énergétique et/ou aux licences logicielles ; améliorer la compétitivité via des refontes ciblées des systèmes associés aux nouveaux business models… En premier lieu, on identifiera donc la mieux adaptée au contexte et aux enjeux de l’entreprise (patrimoine technique, processus métier, délais, risques, coûts…). 

Quelle que soit l’approche retenue, le cloud offre une alternative solide aux environnements mainframes grâce à ses nombreux atouts, désormais connus et reconnus : 

  • sa flexibilité, qui permet de monter/couper rapidement des environnements ;
  • la sécurité « by design » des services managés et, de plus en plus, leur dimension souveraine, ce qui permet de retrouver les très forts niveaux de sécurisation des mainframes ;
  • son passage à l’échelle, souvent déterminante lors des bascules, qui peuvent nécessiter d’importants déplacements de données et de lourds traitements spécifiques ;
  • le Finops, qui permet de maîtriser les coûts et d’optimiser à tout moment ses ressources (“right-sizing”, suppression des machines orphelines, adaptation des ressources au besoin…) ; 
  • une innovation permanente, qui permet de bénéficier régulièrement de nouveaux services ; 
  • des solutions sectorielles spécifiques, permettant de répondre à des enjeux réglementaires par exemple.

Pour simplifier et sécuriser la transformation, le cloud offre également des accélérateurs, dont :

  • des outils et des méthodes pour industrialiser et automatiser les opérations ;
  • des modules pour sécuriser les bascules grâce à un monitoring des productions et une comparaison entre le socle mainframe et le socle cible ;
  • des technologies facilitant l’interopérabilité afin d’externaliser et d’échanger des données entre les différentes plateformes, jusqu’à des architectures orientées événements ;
  • des outillages pour moderniser l’environnement de développement du socle mainframe et apporter de la flexibilité et de l’agilité à différents niveaux.

Ne pas céder aux craintes et aux idées reçues

La sortie du mainframe, surtout pour aller vers le cloud, suscite souvent des craintes, voire des doutes sur la crédibilité même d’une telle opération. Certes, certains projets sont parfois complexes et il a pu y avoir quelques échecs, mais les arguments des détracteurs de cette modernisation ne tiennent plus.

La première de ces idées reçues concerne la supposée complexité de maintenance d’un code source transcodé pour changer de plateforme d’exécution. Rappelons tout d’abord que ce type de transformation est avant tout tributaire de la source, dont il hérite des points positifs comme négatifs. Cependant, la majorité des transformations, outillées, présente aujourd’hui un niveau de maturité élevé qui permet d’obtenir, côté cible, un code propre. Enfin, suite au transcodage, on peut  enclencher des transformations d’urbanisation (financée par les économies réalisées), accélérée par le rapprochement technologique réalisé.

La performance est elle aussi souvent pointée du doigt mais, là encore, les choses sont à nuancer. S’il est vrai qu’un mainframe, système très intégré, offre des temps de latence minimes lors des opérations d’entrée-sortie et des requêtes SQL, il n’en est pas moins contraint par son architecture monolithique. Les applications qui s’y exécutent sont en concurrence permanente pour les ressources CPU, qui se raréfient lorsque la pression des utilisateurs augmente. À l’inverse, une architecture cloud est extensible, horizontalement comme verticalement, et on peut augmenter les capacités de manière ciblée pour débloquer des « points de concentration » applicatifs. De plus, la parallélisation des traitements, TP ou batch, permet de maintenir des temps de réponse optimaux et ouvre la porte aux syntaxes SQL complexes, rarement utilisées sur les mainframes en raison de leur gourmandise en ressources. Certains traitements particulièrement intensifs se trouvent même accélérés une fois réécrits et portés dans le cloud. De fait, une réécriture localisée parvient à débloquer la plupart des situations de moindre performance aux limites et constitue une tactique à privilégier lorsque la distribution des tâches ne suffit plus. Au final, de nombreux clients ont été surpris, et ravis, de voir leur nuit de batch s’achever beaucoup plus tôt qu’auparavant une fois la phase d’optimisation cloud terminée.

Avec de surcroît les possibilités de mise à l’échelle, l’accroissement de la puissance unitaire des CPU, la sécurité by design et la résilience globale des infrastructures du cloud, il n’y a vraiment plus lieu de s’opposer à une telle transformation. Certains projets majeurs dont la presse a rendu compte, comme ceux d’AG Insurance, Santander et Allianz, le prouvent : on peut sortir avec succès du mainframe.

La faisabilité de l’opération dépend essentiellement du contexte qui en déterminera les risques, les délais et les coûts. Concernant ces derniers, un projet à portée limitée nécessitera un budget de 2 à 5 millions d’euros alors que pour les patrimoines les plus massifs, le cabinet Forrester estime que la facture a parfois pu dépasser les 100 millions de dollars. Ces budgets tiennent compte de la mise en place des nouvelles plateformes et des services cloud, de la nécessaire évolution des compétences, de la réarchitecture des applications et de l’intégration. S’il faut toujours considérer ces sommes au regard du coût croissant du statu quo, la question du ROI à court et moyen terme se pose malgré tout.

Comment lancer sa transformation ?

La sortie du mainframe exige une vigilance particulière compte tenu de la criticité du patrimoine impacté car il s’agit souvent, on l’a dit, d’applications cœur de métier. La sécurisation doit donc être le maître-mot de ces projets, dont la réussite repose sur quatre facteurs clés :

  • l’expertise technique, impérative pour traiter toutes les complexités de ce qui reste une transformation technologique structurante ;
  • le savoir-faire méthodologique, capital pour veiller à tous les aspects à chacune des étapes et embarquer dès le départ tous les acteurs impliqués ;
  • la maîtrise de l’existant : simplifier le programme sans altérer son fonctionnement (par exemple, en laissant de côté des modules devenus superflus) exige de très bien connaître le système et les métiers qui l’utilisent. Des accélérateurs technologiques, comme des outils de cartographie des ressources utilisées et des données du mainframe, sont d’une aide précieuse ;
  • l’industrialisation des opérations de run : pour obtenir les niveaux de service attendus, il faudra pouvoir exploiter les nouveaux environnements en 24×7 à l’aide des fonctionnalités cloud natives (services PaaS, orchestration de conteneurs, équilibrage de charge…).

Pour démarrer, notre recommandation est de commencer par bien choisir son approche stratégique. Chacune présente ses avantages propres, pour des bénéfices plus ou moins importants en termes d’agilité, de réduction de la dette technique, de compétences disponibles, de coût et, bien sûr, de move-to-cloud. Pour se déterminer, il faut tenir compte de plusieurs éléments, en particulier :

  • l’analyse du patrimoine existant (technologique, documentaire…) pour valider les scénarios techniques ;
  • la feuille de route move-to-cloud, si elle existe, pour définir des environnements cibles cohérents ;
  • une formulation claire des enjeux métier, pour apporter la bonne réponse dans les bons délais ;
  • l’identification des moyens et des délais acceptables afin de maîtriser le budget et le ROI ;
  • les trajectoires en cours de l’entreprise (business, RH, technique, transformation…) de manière à s’assurer de la disponibilité des ressources clés (humaines et applicatives). 

Pour conclure, la migration des mainframes vers le cloud offre une multitude d’avantages convaincants qu’il ne faut pas négliger. Cette transition améliore non seulement l’agilité et la scalabilité, mais réduit également les coûts opérationnels et minimise les risques associés.

Auteurs

Lilian Chamontin

Chief Architect & IT Modernization Expert for Financial Services
Architecte d’entreprise au sein des services financiers de Capgemini, Lilian apporte son leadership et ses 25 années d’expérience du développement Mainframe, des architectures middleware et applicatives et de la gestion de programmes complexes aux projets de modernisation IT. Sa fonction d’Account Chief Architect auprès d’une grande banque française le positionne en première ligne des grandes problématiques IT dans leurs dimensions métier, innovative, technique et économique.

Florian Chantemesse

Head of Mainframe Modernisation for Financial Services France
Responsable de l’offre de Modernisation Mainframe dans l’entité des services financiers de Capgemini France. Il a fait ses premiers pas sur la voie de l’architecture, puis a piloté de nombreuses opérations de transformations industrielles dans différents domaines technologiques et contextes qui vont du Mainframe jusqu’au Cloud.

Skander Guetari

Expert en Infrastucture Transformation Services
Skander Guetari est docteur en Informatique de Paris 6. Il a travaillé pendant 13 ans chez IBM en tant qu’architecte spécialisé dans le design de l’infrastructure pour des projets e-business de plusieurs clients du CAC40. Il s’est toujours intéressé aux nouvelles technologies qu’il a systématiquement intégrées dans les solutions proposées afin de faire bénéficier ses clients des nombreux avantages de l’innovation. Aujourd’hui, ses missions s’articulent autour des solutions d’architectures Cloud, Devops et d’Intelligence artificielle.

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