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Pour conquérir le marché entreprises, les opérateurs télécoms industrialisent leur processus commercial du « lead » jusqu’à la facturation

Aurélie Lesouef
16 Sep 2022

Portée aujourd’hui par la fibre, par le cloud et la cybersécurité, et demain par la 5G, l’activité B2B des opérateurs télécoms est en pleine expansion.

Alors que le marché grand public est désormais largement mature, le marché entreprises leur offre de solides perspectives de croissance, et ils investissent de façon massive pour étoffer leur offre et gagner rapidement des parts de marché. Or, ils sont rarement équipés pour une telle course de vitesse commerciale, qui exige des processus et des outils parfaitement huilés.

Longtemps un parent pauvre dans la stratégie des opérateurs, l’activité B2B est souvent le fruit d’acquisitions successives et d’initiatives décousues. Le résultat, ce sont des offres nombreuses et éparses, des processus commerciaux cloisonnés et très hétérogènes, et un outillage rudimentaire. Opérationnellement, cette absence d’harmonisation se traduit par des tâches fastidieuses pour les commerciaux et administrateurs des ventes où l’excel est roi pour faire un devis, où la ressaisie est la règle pour préparer le contrat et les commandes sous-jacentes, et où les erreurs inhérentes sont nombreuses. Pour les clients cela génère des lenteurs opérationnelles, des lourdeurs administratives, un manque de visibilité quant au statut précis des opérations en cours, ainsi qu’un risque d’inexactitude (ex adresse de raccordement erronée…) pouvant conduire à des commandes non délivrées, en échec de déploiement. Dans ce contexte, impossible évidemment d’optimiser l’approche commerciale, de segmenter et de personnaliser l’offre, ou de déployer les nouveaux services aussi vite que l’exigerait l’intense concurrence actuelle. Pour aller plus vite, les opérateurs n’ont d’autre choix que de revoir leur processus commercial de bout en bout en l’industrialisant.

Cette transformation d’envergure doit cibler impérativement quatre enjeux clés :

Standardiser le catalogue de produits et offres entreprise

Alors que les opérateurs cherchent actuellement à se diversifier et à valoriser auprès des entreprises leur statut d’interlocuteur technologique de confiance en multipliant les nouveaux services, notamment dans les domaines du cloud, de la cybersécurité et de la data, il devient impératif pour les opérateurs de standardiser leurs offres, en particulier de connectivité. En effet, l’activité entreprise des opérateurs souffre souvent d’un catalogue d’offres disparates et sur mesure, où 200 lignes d’offres peuvent correspondre à un même besoin en termes de produit client avec seulement quelques variations en termes d’attributs (débit, typologie de client…). La priorité est donc de refondre le catalogue entreprise en le structurant et en modélisant ses offres de façon efficace tout en prenant en compte les exigences liées à la mise sur le marché de produits futurs d’ores et déjà identifiés (ex besoin de mutualiser différents services sur un même accès).

Automatiser et fluidifier les processus

Pour accroître le taux de transformation, réduire les délais et améliorer l’expérience des clients et des collaborateurs, les processus commerciaux devront être complètement remis à plat, simplifiés et harmonisés. L’approche est ici encore à la standardisation : l’enjeu est de définir un processus d’acquisition client cible unifié, où les spécificités produit, segment et canal sont uniquement traitées depuis le catalogue de produits, par écart au processus nominal, au moment où les produits sont ajoutés au devis par le commercial. La mise en place d’un outillage moderne va ainsi permettre d’automatiser un certain nombre de tâches de back-office et d’étapes du parcours commercial à partir de ce moment clef. Débarrassé de nombreuses actions manuelles, le processus s’en trouve à la fois accéléré, fluidifié et fiabilisé. L’automatisation permet, en particulier, de réduire drastiquement les erreurs de ressaisie qui perturbent ensuite les opérations. Automatiser ne veut cependant pas dire éliminer l’humain. Il s’agit au contraire de renforcer le rôle des collaborateurs en les guidant davantage vers les tâches pour lesquelles ils sont indispensables et en leur libérant du temps pour les réaliser. On poursuit ici un double objectif d’amélioration de l’expérience client et de réduction des coûts. 

Intégrer les parcours clients digitaux dans une logique omnicanale

La refonte des ces processus devra impérativement être repensée de façon omnicanale, en empruntant largement les canaux digitaux – en raison d’une attente croissante des clients en B2B et dans une logique d’efficacité commerciale. Cependant tout en cherchant à privilégier le digital, il faudra toutefois veiller à ce que ce canal ne soit pas un canal contraint mais bien un canal de choix pour les clients entreprise. En effet si on trouve dans les TPE et PME des comportements proches du B2C, le haut de marché – ETI, grands groupes, secteur public – et ses administrateurs entreprise (achat, technique…), reste bien souvent attaché à des interlocuteurs privilégiés et à des interactions humaines (mail, téléphone…). Les responsables commerciaux et administrateurs des ventes doivent donc toujours être en mesure d’accompagner le client, voire de le suppléer sur des étapes spécifiques du processus omnicanal, par exemple si ce dernier bute sur une étape dématérialisée– transmission de documents, prise de rendez-vous…. Certes, il est préférable que le client soit autonome, mais l’objectif reste de convertir son intérêt en vente, et donc de l’aider à finaliser le processus. Et la même logique doit prévaloir pour les services après-vente, où l’on doit équilibrer self-service et assistance humaine.

Harmoniser et décloisonner les données pour avoir une vue 360 des clients

L’une des conséquences de l’hétérogénéité des offres et des processus est qu’il est très difficile d’avoir une vue 360 du client, du niveau le plus macro (portefeuille de services souscrit et pertinence d’autres types de services) au niveau le plus fin (opérations de déploiement de la fibre par site et démarrage de la facturation par site concerné) . Les commerciaux, les administrateurs des ventes, les responsables de compte, les chefs de déploiement, le service client ont chacun les informations qui les concernent directement, mais rarement la possibilité d’avoir la vision d’ensemble qui leur permettrait de moduler leur approche en fonction du contexte client. Remettre les processus à plat, c’est aussi l’occasion d’harmoniser et de décloisonner les données clients de manière à pouvoir générer da façon automatisée des devis globaux, des contrats cadres, des offres packagées, constituant autant d’opportunités d’upselling / cross-selling pour les opérateurs télécom. C’est aussi créer un matériau data propice à l’analyse pour mesurer et optimiser l’efficacité des approches marketing et commerciale. Enfin, pour le client, c’est aussi la satisfaction d’avoir toujours un interlocuteur au courant de sa situation et capable de répondre à toutes ses questions et ce avec précision et exactitude.

Face à de tels enjeux, un cadrage rapide au cours duquel on examinera l’ensemble des offres, des segments, des processus et des canaux est un pré-requis afin de déterminer les enjeux prioritaires et détourer le produit minimum (MVP) à mettre sur le marché pour initier toute transformation. Ce MVP, socle de la transformation de l’opérateur, portera la structuration du catalogue cible d’offres, ainsi que la conception des processus omnicanaux cibles de l’opérateur. Il sera ensuite enrichi ensuite de façon itérative au gré d’une feuille de route alignée sur la stratégie de l’opérateur, en y ajoutant les produits et offres au catalogue cible, et en réalisant les adaptations marginales que ceux-ci nécessiteront dans le cadre des processus de vente, déploiement et vie client.

En industrialisant de cette manière leur processus commercial de bout en bout, les opérateurs télécoms et, plus généralement, toutes les entreprises qui développent un catalogue diversifié de services B2B peuvent ainsi concilier accélération pour conquérir des parts de marché, réassurance en déployant progressivement la solution cible tout en sécurisant les opérations en cours, et maîtrise des coûts pour rentabiliser leur investissement.

Auteur

Aurélie Lesouef

Director – Digital Transformation – Telecom, Media & Technology, Capgemini Invent

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