le cloud, incontournable accélérateur de la servicisation

La servicisation (servitization en anglais) consiste pour une entreprise industrielle à faire évoluer son activité de la vente de produits manufacturés vers la vente de services, ou d’offres intégrées produit/service. Par exemple, un constructeur automobile pourrait ne plus vendre de voitures, mais les mettre à la disposition de ses clients sous forme d’abonnement avec, en option, diverses prestations d’assistance et d’entretien. Annoncée de longue date comme un tournant majeur pour l’industrie, la servicisation tarde pourtant à se répandre. En levant les obstacles qui freinaient jusqu’ici sa mise en œuvre, le cloud apparaît comme l’ingrédient qu’il manquait pour lancer enfin cette révolution. 

Les nouveaux services peuvent être proposés en complément d’un produit particulier (maintenance prédictive, conseils d’utilisation personnalisés, paramétrage et optimisation à distance, assurance…) ou être commercialisés de façon indépendante (location, gestion de parc, formation…). Or, pour créer, fournir, piloter et facturer des services, quels qu’ils soient, il faut des données : données de fabrication, d’exploitation, d’usage, comportementales, environnementales, cartographiques, de gestion… Et c’est précisément cette question des données sur laquelle la servicisation achoppait jusqu’à présent et à laquelle le cloud apporte des réponses. 

Grâce notamment aux nouvelles générations de plateformes data, le cloud offre des possibilités incomparables pour collecter, centraliser et mettre en forme des données d’origines, de natures et de qualités extrêmement diverses, comme c’est souvent le cas dans les environnements industriels. La puissance de calcul disponible permet en outre de procéder à des traitements et des analyses avancés, notamment à l’aide d’algorithmes d’intelligence artificielle, pour en tirer des connaissances nouvelles et de grande valeur pour les entreprises et leurs clients. C’est la capacité à rapprocher des données hétérogènes, internes et externes, qui permet, par exemple, aux constructeurs aéronautiques de bâtir des offres autour d’une disponibilité garantie de leurs appareils, ou à un spécialiste du transport ferroviaire d’analyser en temps réel la consommation énergétique des trains et d’en déduire des conseils de conduite à communiquer aussitôt aux conducteurs. 

Mais les avantages du cloud pour la servicisation ne s’arrêtent pas à la question cruciale des données. Son élasticité (scalabilité) facilite la montée en puissance et le passage à l’échelle des services tandis que son évolutivité permet de les personnaliser et de les enrichir sans cesse. Par ailleurs, l’innovation constante des grands opérateurs en fait une extraordinaire boîte à outils, puisqu’il existe déjà, sur étagères, des services très spécifiques dans les domaines du traitement du signal, de l’IoT, de l’analytique, qu’il suffit ensuite d’assembler. Par exemple, un industriel a pu s’appuyer sur un module préexistant pour écouter les bruits émis par une machine, déceler ainsi d’éventuelles anomalies de fonctionnement, et proposer sous forme de service cette surveillance automatisée. Le cloud apporte aussi une robustesse et une sécurité difficilement atteignables dans un data center privé avec, désormais, la prise en compte, à travers la localisation des données, des questions de conformité et de souveraineté. Enfin, mettant en œuvre des technologies standard et répandues, le cloud mettant à disposition des services pour les entreprises leur permet de se concentrer sur leur métier et sur l’apport de valeurs pour leurs clients. 

Les clients eux-mêmes sont de plus en plus demandeurs de tels services et Internet leur apparaît comme le moyen le plus naturel d’y accéder. Pour eux, le cloud, c’est l’assurance d’un service délivré avec un très haut niveau de disponibilité et selon des modalités qu’ils connaissent et qui faciliteront sa prise en main par les utilisateurs ou son éventuelle intégration à leurs systèmes de gestion. Le cloud offre aussi un cadre sécurisé et rassurant lorsqu’il est nécessaire, ou préférable, que le client communique des données potentiellement sensibles. 

Ainsi, le cloud permet aux industriels de produire des services de façon industrialisée, agile et sécurisée, et de les diffuser auprès de leurs clients avec une qualité et une accessibilité maximales. Vecteur et accélérateur privilégié de la stratégie business de servicisation, le cloud constitue aussi un pont avec les autres transformations en cours, au niveau de la production (Industrie 4.0) et de l’IT, où il répond à des objectifs transverses de maîtrise des coûts, de décloisonnement, de rationalisation, de consolidation, de standardisation… Cette convergence technologique est une source supplémentaire d’opportunités pour imaginer et créer de nouveaux services composites fondés sur les données.  

Avec le cloud, les industriels ont désormais tous les atouts technologiques en main pour prendre le virage de la servicisation et passer à l’échelle. En revanche, en dépit de leur maturité grandissante, le besoin d’accompagnement demeure car la servicisation est une nouvelle approche, qui nécessite de nouveaux processus, de nouvelles compétences, de nouvelles méthodes, avec une intégration beaucoup plus poussée entre data scientists, développeurs, marketing, opérations… Dans cet écosystème en cours de constitution, l’IT, qui dispose avec le cloud du catalyseur technologique, peut être la force de proposition capable d’entraîner toute l’entreprise.