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Le cadre supérieur : principal acteur du changement dans le secteur public

Caroline Demigne, Catherine Al Hachem & Charlotte Noël
18 novembre 2022
capgemini-invent

Les récents résultats de l’enquête menée à l’occasion de la Convention managériale de l’Etat du 8 juillet 2021 ont démontré le fort attachement de l’encadrement supérieur au sens et aux valeurs du service public (85% d’entre eux sont en effet satisfaits de l’utilité pour l’intérêt général de la fonction qu’ils occupent). Néanmoins seuls 31% d’entre eux apprécient leur Qualité de Vie au Travail (QVT). Cette dernière comprenant aussi bien les enjeux d’adaptation au télétravail, de gestion des priorités au regard des moyens disponibles, d’équilibre entre vie professionnelle et personnelle, de projection de carrière au sein de l’administration mais également d’encadrement basé sur la confiance et la responsabilisation.

Les cadres du secteur public sont en effet confrontés à un contexte toujours plus changeant qu’ils doivent réussir à maîtriser dans un double souci de maintien de la qualité du service rendu aux usagers et de l’encadrement de leurs équipes. Le numérique bouleverse au quotidien les métiers, les rôles et leurs modes d’interaction. La crise sanitaire a contraint l’administration à accélérer l’adoption de nouveaux outils et de modes d’encadrement à plus hybrides (arbitrage entre télétravail et présentiel). Par ailleurs, la contrainte RH et financière met l’atteinte des résultats attendus par les cadres du secteur public sous tension tandis que les attentes des usagers évoluent vers toujours plus d’immédiateté et de personnalisation, bousculant les modes de travail des équipes. Enfin, l’accélération du rythme d’apparition des crises requiert une forte résilience et agilité de la part de l’encadrement des agents, dans un contexte critique de baisse d’attractivité de la fonction publique qui souffre auprès des jeunes générations d’une réputation jugée trop hiérarchique et rigide.

Plus récemment, la Délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’Etat (DIESE) a proposé un accompagnement « renforcé » et « personnalisé » des mobilités et des carrières des cadres supérieurs, orienté vers le développement et la reconnaissance de leurs compétences et de leurs performances. Cette nouvelle approche prend ainsi en compte de nouveaux enjeux transversaux majeurs relatifs à l’égalité professionnelle ou encore à la diversité des parcours des cadres.

Dans ce contexte, le cadre supérieur du service public est aujourd’hui amené à :

  • Réconcilier performance et engagement des équipes en travaillant sur le sens et la transversalité
  • Réinventer sa propre posture pour accompagner plus efficacement et humainement la transformation de l’action publique

1– Le dirigeant public : l’art de dépasser les paradoxes par le sens du service public

On a souvent tendance à opposer un encadrement public basé sur l’intérêt général et un encadrement privé basé sur la poursuite d’indicateurs de rentabilité. Pourtant, alors même que les entreprises privées se dotent de plus en plus d’une réflexion autour de leur raison d’être et de leur impact sociétal et environnemental, le cadre est confronté à ce qu’il ressent comme des injonctions paradoxales entre missions de service public et pilotage de la performance.

Le secteur public est soumis à un champ de contraintes et d’opportunités qui font à la fois toute la difficulté et la richesse du rôle de cadre public. En effet, les marges de manœuvre en matière d’attractivité salariale et de dynamisme des carrières sont plus réduites dans le secteur public que dans le secteur privé, même si les récentes réformes de la fonction publique visent toutes à décloisonner et encourager des parcours plus fluides. Le pouvoir d’embarquement et de conviction du cadre public devient dès lors l’un des leviers d’action les plus efficaces pour motiver et engager les équipes.

D’après les dernières études de l’EDHEC , la réussite des cadres publics dépend de leur capacité à gérer positivement les trois contraintes les plus prégnantes que sont la complexité organisationnelle, la contrainte réglementaire et la réduction des moyens financiers. Il doit concilier ainsi une double finalité de service public et d’optimisation de la dépense publique : l’encadrement public apparaît dès lors comme l’art de gérer positivement ces paradoxes. Atteindre les résultats attendus de manière efficiente, efficace et légale, développer la capacité de leur organisation à s’adapter à son environnement, lever les silos et encourager la transversalité, libérer la capacité d’innovation des équipes, autant de défis pour le cadre public qui doit ainsi opérer une transition d’un modèle hiérarchique vers un modèle qui valorise la gestion de projets transverses et l’autonomie des équipes.

Pour mener à bien ces défis, le dirigeant public peut s’appuyer sur des équipes de la fonction publique pour lesquelles l’attachement aux valeurs publiques apparaît comme leur premier levier de motivation : une invitation pour les dirigeants publics à garder constamment à l’esprit l’importance de rappeler le sens de l’action publique et de prendre soin de l’attachement des agents aux valeurs publiques.

2 – Une nouvelle posture d’encadrement pour un cadre public « agile »

Pour gagner en impact sur les équipes et dépasser ces paradoxes par le sens, le cadre du secteur public est désormais amené à se réinventer et à s’adapter rapidement à un environnement en perpétuel mouvement. Il doit ainsi adopter une posture d’un cadre agile de type “VISIONNAIRE”“COACH”“JARDINIER” et “PILOTE” afin de répondre à ses enjeux.

Le cadre agile de type « VISIONNAIRE » est un bon communicant capable de partager avec ses agents une vision claire de la transformation et des orientations stratégiques de la politique publique conduite. Il encourage les discussions constructives et bienveillantes contribuant à la motivation et à l’embarquement de ses agents dans cette transformation. Il gère, organise et dirige avec conviction, en veillant à faire rayonner les travaux de son équipe au maximum. Cette posture permet ainsi de favoriser la culture de l’intelligence collective en permettant aux agents de travailler ensemble de manière transverse et transparente.

Pour faire face au changement permanent (nouvelles pratiques liées aux modes de travail hybride, au déploiement du digital et de la RSE, aux nouvelles modalités des projets…), le cadre agile accompagne ses équipes dans l’objectif de résoudre ensemble les blocages et de développer leurs compétences. Le profil de « COACH » est donc amené à faire preuve d’écoute et d’empathie pour mieux identifier et adresser les attentes de ses agents dans une logique de feedback et d’amélioration continus.

Par sa posture « JARDINIER », le cadre joue un rôle de « stabilisateur », vecteur de sécurité et de bien-être des agents. Il fait preuve d’une capacité à apporter soutien et reconnaissance aux équipes et les protège également de toute confrontation à des risques psycho-sociaux liés à de différentes raisons comme la charge de travail ou la violence interne. Il est ainsi responsable de la qualité de l’environnement de travail et garantit à ses équipes des conditions de travail optimales, tant sur les plans des environnements physique que digital, en respectant leur équilibre professionnel et privé.

Enfin, le cadre agile de type « PILOTE » permet aux agents 1) de constituer des équipes responsabilisées et autonomes par le biais de la délégation, 2) de gérer efficacement le pilotage de la transformation contribuant à renforcer la motivation de leurs équipes et 3) d’assurer un bon fonctionnement des projets. Pour ce faire, le cadre du secteur public utilise des objectifs collectifs stratégiques) ainsi que des indicateurs de performance d’avancement de projet « SMART » et agiles à un échelon plus opérationnel. En outre, sur le plan individuel, le cadre supérieur de type « PILOTE » doit aussi tendre à améliorer son style d’encadrement grâce à des outils de pilotage comme le Leadership Cockpit qui lui permet de mesurer son impact et l’état d’esprit de ses équipes.

Conclusion

Si chaque cadre supérieur doit veiller à développer ces quatre dimensions, chacun a également un style qui lui est propre et une dominante qui le caractérise. Travailler sur ses forces et sur le type d’encadrement qu’il souhaite incarner est donc au cœur de la formation du cadre du secteur public.

Auteurs

Caroline Demigné

Managing Consultant Workforce & Organization, Capgemini Invent

Charlotte Noel

VP, Workforce & Organization, Capgemini Invent
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