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Espaces scolaires et design : Illustration à travers 4 lieux, 4 défis

Capgemini Invent
14 septembre 2022
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Les espaces scolaires sont au cœur du quotidien des plus de 12 millions d’élèves et 1 million de personnels. Au-delà des salles de classe, d’autres lieux des établissements cristallisent des enjeux sociétaux notamment : cour de récréation, toilettes, salle des professeurs ou encore CDI.

Une exploration de ces quatre espaces illustre l’apport du design en tant qu’activité de création visant à proposer des solutions pour améliorer la qualité de vie.

Pour favoriser l’égalité filles-garçons, les cours de récréation « dégenrées » se multiplient.

En 2017, le Haut Conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes constatait que « l’occupation de l’espace dans la cour de récréation est, dès le plus jeune âge, très sexuée ». Ainsi, les garçons occupent 80% de la surface en s’appropriant l’espace central (le plus souvent, pour jouer au foot), alors que les filles utilisent les marges de la cour avec des jeux impliquant peu de mobilité.

La géographe Edith MARUEJOULS, fondatrice du bureau d’études Arobe, a mené plusieurs expérimentations au cours des dernières années auprès des collectivités territoriales. Après des phases d’observation des habitudes des élèves, des nouveaux aménagements sont proposés. A titre d’exemple, dans une école élémentaire des Lilas, le terrain a été divisé trois zones : une zone de jeux collectifs, une zone intermédiaire (jeux de quilles, de raquette, corde à sauter…) et une zone calme.

De nombreuses villes ont pris des initiatives pour dégenrer les cours de récréation telles que Trappes, Lyon, Rennes, Bordeaux ou encore Grenoble. Ces projets peuvent parfois susciter l’interrogation des familles et, plus largement, de la population. Pour contribuer à lever ces questionnements, la méthodologie de conduite des projets doit impliquer les enfants dans la réflexion sur leur espace de vie.

Les toilettes sont un enjeu central pour le bien-être des élèves au quotidien.

Au cœur des établissements scolaires, les toilettes concentrent eux aussi de nombreuses crispations. Selon une étude Harpic-Harris Interactive publiée en 2020, un élève sur deux ne va jamais aux toilettes. Cette étude fait ressortir plusieurs enjeux parmi lesquels :

  • des problèmes d’hygiène (chasse d’eau non tirée, odeurs, saleté et froid) ;
  • des problèmes de dysfonctionnements (portes fermant mal, chasses d’eau en panne, etc.) ;
  • des problèmes d’ordre relationnel : « plus de la moitié des enfants estiment que les toilettes de l’école sont un endroit où les enfants embêtent d’autres enfants ».
  • la question de la mixité et de la non-binarité des toilettes à l’école : de nombreux établissements parient sur des toilettes non genrées pour faciliter leur accès.

Les sanitaires scolaires sont même devenus un objet de politique publique. Ainsi, un candidat à la présidentielle 2022 en faisait une proposition de son programme pour l’école « mettre en œuvre un plan d’urgence de rénovation des établissements scolaires, prenant en compte les enjeux sanitaires et environnementaux, en assurant partout un accès à des toilettes et des points d’eau ». Il est à noter que cette thématique fait d’ores et déjà partie des priorités de la cellule bâti-scolaire, créée en 2019, du ministère de l’éducation nationale.

Là encore, le design permet d’apporter des solutions concrètes. A titre d’illustration, à Florennes en Belgique, les élèves de la section arts plastiques ont réaménagé les toilettes de leur école pour les rendre fréquentables. Comme le retrace un récent article du Monde, des idées de thématiques ont été proposées puis votées sur la page Facebook de l’école afin « d’enjoliver » les locaux.

A l’heure du numérique, la salle des professeurs redevient un lieu de collaboration

Lors de la crise sanitaire, beaucoup d’enseignants se sont appuyés sur les collectifs d’enseignants en ligne pour répondre aux multiples questions auxquels ils étaient confrontés. Cette tendance a conduit à voir en les réseaux sociaux un renouveau de la salle des professeurs. Cette « salle des profs numérique », selon l’expression du professeur d’histoire en lycée Thibaut POIROT, traduit le besoin de lien collectif ainsi que l’évolution de la sociabilité des enseignants.

Dans un article mis à disposition sur le site de l’éducation nationale Archi Classe, Solenne JEGO et Colette RANELY VERGE-DEPRE s’interrogent « à l’heure où on demande aux équipes pédagogiques de travailler ensemble en interdisciplinarité, de se former souvent hors temps de travail, la « salle des profs » n’a-t-elle pas vocation à jouer un rôle essentiel dans la mise en place de pratiques collaboratives ?». Dans leur enquête menée auprès des enseignants martiniquais, il ressort que 40 % d’entre eux considèrent que l’espace n’est pas assez agréable et fonctionnel pour y travailler.

De projets voient le jour sur le territoire pour repenser les salles des professeurs, en partant des besoins des enseignants. Par exemple, au lycée Aragon-Picasso de Givors, les étudiants du DSAA Design d’Espace ont proposés, après une immersion et des échanges avec les enseignants, une salle des professeurs autour d’une zone détente et d’une zone de travail à l’aménagement informel.

Le CDI est le lieu privilégié de l’alliance entre le physique et le numérique

Dès 2012, le ministère de l’éducation nationale a encouragé l’expérimentation de la transformation des centres de documentation et d’information (CDI) en centres de connaissances et de culture (« 3C »). Un des objectifs était d’allier « à la fois le numérique et le livre, dans une approche où la maîtrise de la langue est un appui indispensable aux autres apprentissages ».

Comme Florence Michet l’évoque dans sa thèse, avec le numérique, le CDI se double d’un espace virtuel souvent sous-utilisé. Il y a donc une réelle réflexion à avoir sur l’offre de service virtuelle du CDI (catalogues, ressources numériques, ressources pédagogiques etc.) à penser dans la continuité de l’espace physique afin de faire coexister les deux modes de savoirs.

De nombreux retours d’expérience sont documentés sur le site Archi Classe. Par exemple, au sein de l’académie de Versailles, un espace de type FabLab a été créé au CDI du lycée Guy de Maupassant à Colombes. Il permet aux élèves de développer leurs compétences en code et programmation ainsi que, plus largement, de favoriser la production numérique et leur créativité. Dans sa publication « Le design thinking au CDI », le réseau Canopé présente des expérimentations menées en collèges et lycées ainsi que les modalités pour conduire une démarche centrée sur l’usager.

Pour mener des projets visant à repenser des espaces scolaires, nous recommandons de suivre trois étapes : explorer pour comprendre les attentes des utilisateurs, inventer en imaginant 3 à 5 concepts à tester puis prototyper. C’est cette méthode qu’utilise notre équipe Possible Future, par exemple récemment pour créer une ressourcerie, lieu de soutien aux aidants.

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