Passer au contenu

Les innovations dans la forme scolaire

Capgemini Invent
26 septembre 2022
capgemini-invent

Le ministre de l’Éducation, Pap Ndiaye, a présenté à l’été 2022 les sept lauréats de la première vague de l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) sur l’innovation dans la forme scolaire. Lancé dans le cadre du plan « France Relance 2030 », cet AMI prévoit une deuxième vague pour novembre 2022, puis de nouvelles jusqu’à épuisement des fonds.

La forme scolaire désigne ici l’ensemble des modalités d’enseignement et d’apprentissage ainsi que l’aménagement des lieux et des temps d’apprentissage et la relation de l’école à son environnement. Elle peut, dans sa forme traditionnelle, être inadaptée pour aider à relever les défis de notre siècle, comme le dérèglement climatique, et être source d’inégalités socio-scolaires. Trois leviers principaux peuvent être activés pour faire émerger de nouvelles formes scolaires : les modalités d’apprentissage, l’organisation scolaire et l’implication des acteurs de l’éducation.

Transformer les modalités d’apprentissage

Les formes scolaires traditionnelles se concentrent principalement sur l’acquisition de savoir fondamentaux. Elles peuvent être adaptées pour intégrer le développement d’un éventail plus large de compétences et de savoir-faire, au premier lieu desquelles les compétences émotionnelles et psycho-sociales comme l’empathie. Ces compétences qui favorisent la coopération entre élèves sont associées à de meilleures performances scolaires comme le suggère l’enquête PISA de l’OCDE[1]. Elles sont également clés pour lutter contre le harcèlement scolaire, comme souligné par le Sénat dans son rapport d’information de septembre 2021 sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement.

La structuration traditionnelle des enseignements en matières indépendantes les unes des autres doit également évoluer vers davantage de transdisciplinarité. Les élèves sont ainsi mieux préparés à appréhender les enjeux de nature systémique, au premier lieu desquels le dérèglement climatique. Un « désilotage » des enseignements a également pour avantage de mieux préparer les élèves et étudiants aux exigences de la vie professionnelle.

La création des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) a constitué une avancée notable dans ce sens. Disponibles au collège, les EPI permettent de dispenser un enseignement mêlant au moins deux disciplines grâce à des réalisations individuelles et collectives en mode projet. Ce type d’enseignement pourrait être étendu au-delà du collège à l’ensemble du secondaire et, par exemple, être généralisé dans l’enseignement supérieur.

Le réseau international des Change Maker Schools de l’ONG Ashoka qui compte en France 13 établissements, publics comme privés, donne des exemples d’établissements précurseurs dans la mise en place de forme scolaire innovante. Parmi eux, l’école primaire Emile Zola de Lorgues dans le Var cherche à aller au-delà de la seule transmission des savoirs. Pour gagner en autonomie, chaque élève élabore un plan de travail avec des tâches à réaliser selon un rythme qui lui est propre et a la liberté de se déplacer en classe pour échanger avec les autres élèves et conduire ses projets.

Agir sur l’organisation scolaire

La forme scolaire peut également évoluer en jouant sur la durée et l’organisation des temps d’apprentissage. La France qui se distingue par un nombre d’heures de classe obligatoires élevé en comparaison internationale[2] peut activer ce levier pour mieux s’adapter aux rythmes chronobiologiques des élèves les plus jeunes ou aux besoins des élèves les plus en difficultés.

Les espaces d’apprentissage peuvent également être repensés, réaménagés ou élargis. En particulier, le ministère de l’Éducation nationale encourage, notamment depuis la crise sanitaire, les enseignements en extérieur ou en pleine nature dont les bénéfices sont largement démontrés, notamment en termes de capacité à travailler en groupe ou pour la sensibilisation aux enjeux écologiques. En outre, de plus en plus d’écoles primaires réaménagent leurs cours de récréation de manière non-genrée pour favoriser dès le plus jeune âge la mixité et la lutte contre les inégalités de genre.

Développer de nouvelles formes de travail en impliquant l’ensemble des acteurs de l’éducation

Les modes de travail des acteurs de l’éducation peuvent évoluer pour favoriser la coopération et le travail d’équipe entre enseignants qui sont associés à de meilleures performances scolaires. La France se distingue du reste des pays de l’OCDE par un faible niveau de coopération entre enseignants : selon l’enquête TALIS de l’OCDE, un peu moins de 80% des enseignants sondés déclarent observer le travail d’autres enseignants en classe[3].

Aussi, notre pays dispose de marges de manœuvre importantes pour valoriser la dimension collective du métier d’enseignant, par exemple par le biais d’enseignements en tandem ou par le partage d’expérience et de ressources.

La forme scolaire peut également évoluer pour mieux associer l’ensemble des acteurs de l’éducation, au premier rang desquels les parents d’élève dont l’implication dans les activités scolaires favorise le bien-être et la réussite des élèves. La mise en place du portail Scolarité Services permet, par exemple, aux parents d’élèves d’effectuer et de suivre les démarches scolaires de leur enfant, évitant ainsi que le lien entre la famille et l’école ne distende en cas de difficulté.

Cette implication de l’ensemble des acteurs de l’éducation a vocation à s’étendre aux entreprises pour leur permettre de s’engager et de prendre leurs responsabilités en matière d’éducation. En particulier, l’intervention d’entreprises en milieu scolaire peut contribuer à développer la curiosité des élèves et ainsi à lutter contre les inégalités sociales et territoriales, par exemple en ciblant les QPV.

L’innovation dans la forme scolaire n’est possible que grâce à l’activation de leviers de l’enseignant dans sa salle de classe, de l’équipe pédagogique dans chaque établissement. C’est le sens de la démarche « Ecole du futur » lancé en septembre 2021 dans 59 écoles de Marseille. Comme indiqué par le président de la République dans son discours du 25 août aux recteurs d’académie, ce projet fait figure de véritable laboratoire de l’autonomie des établissements et a vocation à être étendu et généralisé à terme si pleinement concluant.