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Comment les nouvelles technologies permettent-elles de répondre aux enjeux liés à la saturation des services d’urgence des établissements de santé ?

Camille Nebout
3 mars 2023
capgemini-invent

En France, la saturation des urgences dans les hôpitaux publics représente un problème majeur de santé public qui persiste depuis des années.

Le nombre de patients aux urgences en France a augmenté de 14% entre 2010 et 2019, passant de 18,8 millions à 21,5 millions de personnes (DREES, 2021). Cela entraîne d’une part une saturation des ressources hospitalières et matérielles pour prendre en charge le flux de patients non programmés ; et d’autre part une dégradation des services de soins dû à un temps d’attente pour prise en charge plus long et une qualité des soins variable. Ainsi, le temps d’attente moyen aux urgences en France est de deux heures et atteindre presque douze heures pour certaines hôpitaux (DREES, 2021).

On constate également des disparités entre les régions et les établissements de santé avec une plus forte saturation des services d’urgences dans les zones rurales et dans les zones à plus forte croissance démographique. Avec le vieillissement grandissant de la population – 32,6 passages pour 100 habitants contre 100 passages pour les plus de 75 ans (DREES, 2019) – l’enjeu de la prise en charge aux urgences devient critique.

La saturation des services d’urgence en France s’explique par plusieurs raisons. En premier lieu, le manque de coordination entre la ville et l’hôpital, ainsi que le manque d’informations centralisées pour les patients qui ont tendance à se rendre directement aux urgences pour tout besoin. Ces phénomènes sont également corrélés à la disponibilité de l’offre de soin qui a fortement diminuée ces dernières années dû à la pénurie de médecin réduisant alors la disponibilité des créneaux et favorisant les urgences comme service de repli. Une deuxième raison réside dans le manque d’outils à disposition des hôpitaux publics pour anticiper et gérer en temps réel le flux de patients non programmés. Face à cet enjeu de santé public majeur, les nouvelles technologies peuvent permettre de répondre aux grands défis de la saturation des urgences.

1– Le développement d’outils numériques pour renforcer la coordination ville-hôpital de l’offre de soins

Plusieurs leviers technologiques peuvent améliorer la coordination entre les services de soins hospitaliers et de ville. En effet, les patients n’ont pas facilement accès aux informations sur les divers services de soins à leur disposition et ont tendance à se diriger directement vers les urgences lorsqu’ils rencontrent un besoin, au lieu de consulter un médecin traitant. Face à cela, des solutions numériques tels que le « e-triage » aux urgences existent. Ce dispositif permet aux patients de répondre à un questionnaire sur tablette à l’entrée des urgences sur les symptômes et antécédents médicaux qu’ils possèdent. Un triage automatique est alors réalisé par un algorithme qui catégorise les besoins des patients en cinq groupes, selon l’échelle de triage de Manchester, et les oriente vers les urgences ou des structures ambulatoires. Il existe aussi des solutions de “symptômes checkers” en mode SaaS avec intelligence artificielle interopérable avec tout logiciel médical comme le propose MedVir. Les CHU de Bordeaux ou Saint-Etienne, pour ne citer qu’eux, ont déjà mis en place le Service d’Accès aux Soins (SAS), réaffirmé lors du Ségur de la Santé en 2020, permet de gérer les flux de patients entre structures hospitalières et de ville. Il permet d’avoir un seul point d’entrée des numéros d’urgences pour le patient qui, via un Assistant de régularisation médical (ARM) ou un Opérateur de soin non programmé (OSNP), va être orienté entre un médecin de ville, spécialiste ou un hospitalier urgentiste.

Par ailleurs, le développement de la télémédecine représente également de nombreuses opportunités dans la coordination ville-hôpital. L’écosystème des start-ups de MedTech foisonnent d’initiatives permettant d’étendre l’offre de soin à un plus grand nombre de personnes. Il existe plus de 250 000 entreprises Medtech en Europe et en France, ce marché est estimé à plus de 28 milliards d’euros (BPI, 2020). La startup Qare qui offre des services de téléconsultations en France depuis 2017 en est le bon exemple : 98% de ses patients recommandent cette solution de téléconsultation et 89 % d’entre eux ne sont pas perturbés par l’absence d’examen physique. De même, il existe des cabines de téléconsultation, de téléradiologie (diagnostics des radiologies et scan à distance) et de téléexpertise, dotés d’appareils qui permettent de prendre les paramètres vitaux (pouls, poids, etc.) à distance, pour réaliser des diagnostics et de la prescription. En complément, les patients peuvent être suivi à distance, notamment dans le cadre des maladies chroniques, avec des solutions digitales qui permettent de suivre en temps réel des informations de santé sur les patients. Ces dispositifs, comme MyDiabby Healtcare ou encore Colnec, disposent de plusieurs fonctionnalités telles que le rappel des prises de médicaments ou bien le partage d’informations.

2 – La technologie au service des services d’urgence hospitaliers pour anticiper et gérer les flux de patients

Les établissements de santé ne disposent pas à date de suffisamment d’outils pour anticiper et gérer en temps réel les ressources face aux flux de patients non programmés, entrainant une saturation des services d’urgence. Pour répondre à ces besoins, de nombreux outils technologiques, mêlant intelligence artificielle, prédiction, modélisation et analyse de donnée, peuvent être adoptés. Des outils prédictifs tels que des solutions de prédiction des soins non programmés (SNP) utilisées au CHU d’Amiens ou de Nancy peuvent permettre d’anticiper les flux de patients non programmés plusieurs jours avant leur arrivée aux urgences et la nature de leurs passages afin d’avoir une meilleure planification des besoins.

Lors de l’arrivée aux urgences, des outils permettent de visualiser en temps réel les ressources disponibles afin de fluidifier la prise en charge des patients. Parmi ces outils, la « tour de contrôle » gérée par le centre de commande opérationnel de l’établissement, permet à la direction des opérations et aux médecins de disposer d’une vision en temps réel des différentes données relatives aux flux de patients et piloter les ressources disponibles. Ce centre de commande centralise les données issues des applications et systèmes d’informations de l’établissement de santé, avec également des modules d’IA et d’algorithmes prédictifs. Cette solution est déployable en multisites au sein d’une territoire, à la maille d’une GHT ou à l’échelle supra-GHT. De même, l’informatisation de la gestion des lits (ou bed management), présente dans 58% établissements (DGOS, 2018), permet de coordonner la gestion des lits afin de s’assurer qu’ils soient utilisés de manière optimale et de minimiser le temps d’attente des patients.

Même si la première étape reste d’appeler le numéro 15 pour connaitre la réponse la plus adaptée, comme le rappelle le ministre de la Santé et de la Prévention François Braun, l’usage des nouvelles technologies permet d’améliorer la prise en charge des patients et la qualité de vie au travail des professionnels de santé. La numérisation des processus administratifs liés à la gestion d’un patient à l’hôpital pourra ainsi contribuer à alléger la charge des soignants et donc libérer du temps pour leurs activités fondamentales. Enfin, l’adoption de ces outils numériques passera par une phase d’acculturation nécessaire aussi bien des professionnels de santé que des patients.

Auteur

Camille Nebout

Consultante Senior, Capgemini Invent
Camille est spécialisée sur les sujets de stratégie, data et transformation auprès des institutions publiques. Elle a réalisé plusieurs missions pour dés établissements de santé puis actuellement au sein du Ministère de l’Economie et des Finances. Précédemment, elle a travaillé à la Direction Générale du Trésor à Bercy et Business France à Mexico. En parallèle, elle donne des ateliers à Sciences Po Paris.
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