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Le cloud, pilier des échanges entre partenaires 

Thomas Héron
25 janvier 2024

Dans l’ère de la digitalisation, le cloud émerge comme un élément clé pour les échanges entre partenaires industriels, remplaçant les méthodes traditionnelles d’échange d’informations. Les environnements collaboratifs en ligne tels que les Common Workplace Environments (CWE) répondent aux besoins spécifiques de collaboration, avec un accent sur la souveraineté des données et la sécurité. Les Data Spaces, en tant que solutions technologiques émergentes, offrent un partage de données contrôlé et sécurisé. Toutefois, leur mise en œuvre présente des défis en termes de gouvernance et de financement, nécessitant une adaptation personnalisée du cloud pour répondre aux exigences uniques de chaque entreprise et secteur économique.

À quel besoin répondent ces environnements ?

Les besoins d’échanges entre partenaires industriels ne sont pas nouveaux. Or, après des décennies d’une transformation digitale qui touche dorénavant tous les métiers et tous les acteurs, on imagine mal que les échanges d’information entre partenaires puissent encore s’appuyer sur l’envoi de clefs ou autres supports physiques, même dans les contextes les plus contraints en matière de sécurité. La mise en place d’environnements collaboratifs en ligne, à l’image de ceux que tout un chacun utilise désormais quotidiennement dans sa vie professionnelle comme dans sa vie privée, s’impose dès lors comme une nécessité. Aussi les projets de CWE (common workplace environment) sont-ils nombreux.

Parmi les besoins auxquels cherchent à répondre ces environnements collaboratifs partagés entre partenaires industriels, on peut notamment mentionner, très représentatifs, ceux liés à la collaboration entre pairs et ceux liés à la supply chain.

Pour les premiers, que l’on pense aux grands programmes européens, par exemple dans le domaine de l’aéronautique et de l’espace : on imagine sans peine l’importance de la fluidité des échanges de données ou des moyens de collaboration entre équipes qui conçoivent des sous-ensembles constitutifs d’un même aéronef.

Quant à la supply chain, dans un contexte de flux tendus et d’importance toujours croissante de l’électronique et de l’informatique embarquées, la crise des composants a montré la vulnérabilité de grands industriels face aux difficultés que peuvent rencontrer leurs fournisseurs indirects de rangs 3 ou 4 par exemple ; la mise en place de plateformes d’échange avec les partenaires de la supply chain doit leur permettre à terme une meilleure visibilité sur l’ensemble de la chaîne avec idéalement à la clef une capacité d’anticipation.

Le cloud, un terrain neutre ? 

Le cloud apparaît comme un candidat naturel pour héberger des environnements et solutions de collaboration entre partenaires. Dans la mesure où la plateforme est par définition extérieure aux systèmes informatiques respectifs des différents partenaires, elle apparaît comme en terrain neutre, du moins pour son infrastructure technique.

Il faut néanmoins bien comprendre la spécificité du besoin de collaboration entre entreprises, et ses différences par rapport aux besoins internes d’une entreprise auxquels répondent les approches cloud désormais classiques. Cette spécificité s’articule essentiellement autour d’un concept : la souveraineté.

Le mot ‘souveraineté’ évoque d’abord pour beaucoup la capacité des états ou ensembles géopolitiques comme l’Europe à rester autonomes et maîtres de leurs destins. Si cet aspect est bien présent dans les projets d’environnements collaboratifs partagés, on parle d’abord ici d’une souveraineté beaucoup plus fine : celle des entreprises partenaires sur leurs données.

L’objectif est de ne partager des données avec ses partenaires qu’en tant que de besoin, avec des interlocuteurs précis, pour un usage donné et une durée limitée. De plus, il est hors de question pour les partenaires participant à ces espaces collaboratifs partagés (CWE) de se voir imposer un nième nouvel outil ni, a fortiori, un changement de leurs processus.

Les grands acteurs de cloud proposent des solutions, notamment des solutions sophistiquées de collecte, de partage et d’échange de données, ou des solutions métiers de supply chain. Si ces solutions trouvent toute leur pertinence en entreprise, elles peuvent apparaître aux participants d’un espace collaboratif partagé entre partenaires industriels comme centralisées et imposant un outil propriétaire supplémentaire, soit des abandons de souveraineté auxquels ils se refusent.

Des solutions technologiques ouvertes et décentralisées

Or, de nouveaux paradigmes technologiques existent qui permettent de dépasser ces limites, au premier rang desquels il faut citer les Data Spaces. Développés depuis quelques années déjà dans des cercles jusqu’ici essentiellement universitaires et centres de recherche (en particulier l’Institut Fraunhofer en Allemagne), les premières implémentations à vocation de production commencent à sortir de terre, dans plusieurs secteurs économiques (industrie automobile, aéronautique, mobilité, agriculture, santé…)

Le concept peut être présenté ainsi : chaque entreprise partenaire participant au Data Space va publier dans un catalogue fédéré des services les données qu’elle est prête à partager. Elle définit par ailleurs une policy pour ce partage, édictant les conditions dans lesquels il peut avoir lieu (par exemple seulement avec une société européenne utilisant un cloud européen). Si une entreprise partenaire participante est intéressée par ces données (par exemple pour la résolution d’une crise ponctuelle de disponibilité de composants), une négociation automatisée du contrat va avoir lieu dans le respect de la policy. Si l’échange s’avère alors possible, il va prendre place directement entre les deux entreprises, fournisseur et utilisatrice de la donnée, sans passer par une plateforme ou un site central. Le service central du Data Space ne traite que de la métadonnée : catalogue de services, clearing house pour la négociation du contrat, ou encore un semantic hub; on devine en effet l’importance de la standardisation au niveau des objets métiers. Les services centralisés (ceux présentés ici et plusieurs autres) ont été pour beaucoup définis et développés dans le cadre de l’initiative européenne Gaia-X.

Alors, qu’est-ce qu’on attend ?

Les cycles de développement de ces projets sont très longs. Certes, la technologie n’est pas simple ; au-delà du concept présenté ci-dessus, quand on se penche de plus près sur le sujet, on voit par exemple la complexité des solutions pour l’authentification et l’accréditation des acteurs dans ces espaces de confiance semi-ouverts (suivant notamment les paradigmes du 0-trust). Mais là n’est pas le plus compliqué.

Là où ça se corse vraiment ? Sur les questions de gouvernance, et bien sûr derrière elles, sur les questions de financement. Et les configurations sont variées, différentes par exemple entre un écosystème avec un acteur dominant ou celle d’une collaboration entre pairs.

Alors que, dans un premier temps, le cloud tellement novateur imposait de facto un modèle de mise en œuvre très standardisé aux entreprises qui devaient déjà fournir un effort important pour s’approprier le modèle, la rançon du succès pour le cloud est l’émergence d’une nouvelle phase où, devenu un outil mieux compris et plus riche, les entreprises l’adopte désormais de façon plus adaptée, au cas par cas, selon leurs enjeux. Les CWE et les Data Spaces sont la manifestation de ce phénomène à l’échelle du groupement d’entreprises ou du secteur économique. D’ailleurs, le Data Spaces est un modèle adaptable : loin du ‘one-size-fits-all’, sa configuration dépendra de celle de l’écosystème qu’il sert. Comme l’illustre également à un autre niveau -mais de façon étroitement liée- la puissante réaction européenne en matière de règlementations dans l’utilisation des données, à travers les exigences de souveraineté, politique et gouvernance reprennent pleinement leurs droits.

Auteurs

Thomas Héron

Architecte d'entreprise – Business Analyst – Cloud Advisor – Bid Manager
Diplômé de l’Ecole Centrale Paris (maintenant CentraleSupelec) et de l’Université de Cambidge (UK) en Informatique Générale (1992), j’ai principalement occupé des fonctions de DSI/CTO en PME dans différents domaines. Chez un éditeur de logiciels (2006-2019) dans un contexte international et avec une équipe de 40 personnes, j’ai mené le changement du modèle de delivery du produit lors de la transition stratégique du passage en mode SaaS. J’y ai gagné une solide expérience du Cloud et de AWS en particulier. Depuis que j’ai rejoint Capgemini il y a deux ans, j’ai surtout été impliqué dans des projets de consulting dans un rôle d’Architecte d’Entreprise.
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