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L’apport du cloud pour un numérique responsable

Laurence Jumeaux
25 mars 2022

Aujourd’hui, le numérique représente 3% à 4% des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le monde.

Si rien n’est enclenché, les émissions de GES induites par le numérique devraient continuer d’augmenter de manière significative. Elles pourraient croître de plus de 60% d’ici 2040.

Au-delà de l’empreinte carbone, le numérique a des impacts sur d’autres ressources comme les minéraux ou l’eau par exemple. Il est facteur d’épuisement des ressources abiotiques et est source de pollutions, notamment par les déchets induits. Parler de numérique responsable doit intégrer l’ensemble de ces impacts, et non uniquement celui des émissions de GES. Le numérique a une matérialité à impacts pour l’environnement qui est, malheureusement, souvent oubliée du fait de ses usages dématérialisés.

Le cloud, un modèle pour limiter l’impact environnemental du numérique

Depuis 2010, l’augmentation du trafic internet a été multipliée par douze, et pour autant la consommation énergétique des data centers n’a été multipliée que par 1,06 en parallèle. Cela s’explique, en partie, par le recours croissant à des data centers externes par les entreprises, en remplacement de leurs data centers internes, et notamment à ceux opérés par des hyperscalers et des opérateurs de cloud. Ces data centers affichent, dans l’ensemble, un meilleur PUE. Le PUE, ou Power Usage Effectiveness, mesure l’efficience énergétique d’un data center. Les opérateurs de Cloud, par leur modèle hyper industriel, mutualisé et d’optimisation des coûts, sont bien meilleurs sur ce registre que les approches traditionnelles suivies par les entreprises pour leurs propres data centers.

Dès lors que les entreprises décident de mettre en place une stratégie Cloud ou “Move to Cloud”, elles doivent intégrer un critère de décision supplémentaire portant sur le numérique responsable. Elles doivent introduire cette notion de calcul de la réduction de l’impact carbone due à la “cloudification”, à l’impact carbone des serveurs et de leur usage, et plus largement à l’impact environnemental des usages associés. Pour ce faire, il faut analyser l’existant pour ensuite le comparer et le challenger aux propositions des opérateurs de Cloud public. Cette démarche devient de plus en plus contractuelle et s’inscrit dans une dynamique de transparence sur les pratiques des opérateurs de Cloud public, la localisation de leurs data centers et des données qu’ils y hébergent. Compte tenu des mix énergétiques très différents entre les pays, connaître la localisation du data center où seront provisionnés les services de cloud choisis est une information importante. Un data center localisé en France est moins consommateur d’énergies carbonées (du fait du nucléaire[1]) qu’un data center localisé dans des pays limitrophes, comme l’Allemagne ou encore la Pologne.

Les prérequis à toute sobriété numérique avec le Cloud

Le Cloud est un moyen contribuant à limiter l’impact environnemental des entreprises qui en font usage. Cela étant, il y a des prérequis pour tirer parti au mieux de ses apports.

Le premier point fort des cloudeurs réside dans les processus qu’ils ont mis en place pour contrôler et automatiser l’utilisation des ressources. Leurs infrastructures sont virtualisées, la gestion des serveurs automatisée, ainsi que les ressources associées aux services de stockage et d’archivage de données proposés.

Le deuxième point fort, c’est la maîtrise de l’obsolescence technologique des infrastructures. Les serveurs de nouvelle génération qu’ils utilisent sont généralement plus performants en matière de consommation énergétique. Les opérateurs de Cloud ont mis en place des processus de surveillance qui permettent d’optimiser le matériel, avec un remplacement ou un rafraîchissement qui repose sur le changement de certains composants du serveur. Leur objectif est de changer leurs serveurs au bon moment. Cependant, les opérateurs de Cloud donnent peu de visibilité sur la gestion des cycles de vie de leurs serveurs.

Le troisième point fort, c’est la localisation géographique de leurs services. Tous les grands opérateurs de Cloud ont une implantation internationale. Leurs data centers restent le plus souvent implantés dans les capitales. Les entreprises éloignées des capitales ou encore implantées dans des zones plus rurales, se trouvent à distance des data centers de ces fournisseurs. Or, la consommation énergétique du traitement d’une donnée est moindre si celui-ci est réalisé à proximité.

Enfin, le quatrième point fort réside dans les data centers. Les opérateurs de Cloud sont à la pointe de l’urbanisation des data centers, des systèmes de refroidissement afin qu’ils soient le moins consommateurs possible en énergie, du recours à des énergies bas carbone avec des projets directement portés sur les sites de leurs data centers. Ils ont réduit les coûts énergétiques associés à leurs bâtiments. Ils investissent beaucoup en R&D pour accélérer la réduction de la consommation énergétique des data centers. Aucune entreprise non spécialiste du sujet ne peut investir au niveau des investissements qu’ils consentent.

Pour tirer parti de la contribution du Cloud à la réduction de l’impact environnemental, quelques principes doivent être respectés. Pour être sûr que la promesse attendue soit bien au rendez-vous :

  • Le premier principe est de bien cadrer l’engagement contractuel sur ce volet. Capgemini a développé un questionnaire à destination des opérateurs de Cloud afin que les entreprises utilisatrices de leurs services intègrent, dans le contrat, les réponses qu’ils délivrent et qu’ils s’y engagent. Ces questions portent sur leur politique de maintenance des serveurs, de gestion de leur cycle de vie, de refroidissement des data centers, de localisation, etc. Elles peuvent également porter sur des KPIs relatifs à leur consommation énergétique au niveau des infrastructures et sur la typologie des informations qu’ils sont capables de fournir.
  • Le deuxième principe est de comprendre l’architecture, l’organisation de celle-ci en termes de décentralisation, à la fois des puissances de calculs et du stockage, de manière à avoir des hébergements multizones et de favoriser la localisation à proximité de la donnée.
  • Le troisième principe est d’avoir une approche de migration raisonnée du parc applicatif en comparant les configurations (côté serveurs notamment) avant migration et post-migration.

L’ensemble doit s’accompagner d’une transformation des pratiques, évitant notamment de surconsommer des ressources, ou plutôt permettant d’adopter des approches de consommation au plus juste. Sur ce registre, les démarches FinOps peuvent aider, au-delà de l’impact financier et de la maîtrise financière des services de Cloud, elles peuvent contribuer à une meilleure maîtrise de l’impact environnemental des usages associés. Insérer, dans le tableau de bord FinOps, l’impact carbone de ses serveurs, et au-delà des services de Cloud, est un axe à privilégier.

[1] La part du nucléaire dans le bouquet énergétique primaire réel de la France s’élève à 40%.

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