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8 étapes pour mener le changement et l’accélérer

Tristan Libersat
18 décembre 2020

Tout commence par une histoire de pingouins sur la banquise. Fred, l’un des pingouins, prend un jour conscience que la glace est en train de fondre et que son groupe est menacé par un danger imminent.

Le problème, c’est que personne ne le croit !

Il va donc devoir s’armer de patience, de courage et de méthode pour arriver à mettre le groupe en mouvement et provoquer le changement. Si cette histoire vous semble familière, c’est parce qu’elle illustre parfaitement les difficultés qu’on peut rencontrer pour initier et maintenir la dynamique du changement dans une organisation.

Il s’agit d’une fable co-écrite par John P. Kotter en 2006 et qui est une mise en application directe de son modèle de gestion du changement, introduit quelques années plus tôt, d’abord par un article dans la célèbre Harvard Business Review, puis développé dans son best-seller, Leading Change de 1996. Le modèle se base sur un processus en 8 étapes successives :

Le processus en 8 étapes de Kotter pour mener le changement, version Leading Change (1996)

En 2014, dans son livre Accelerate, Kotter ajoute une dimension de temps et de contexte dans la gestion du changement. Là où la première version du modèle fonctionne très bien pour amorcer un mouvement de changement constant dans une organisation, une modification est nécessaire lors de son accélération. Il décrit donc un second modèle, complémentaire du premier, basé sur 8 « accélérateurs », dont l’objectif est sensiblement différent et s’articule autour de ce qu’il appelle « la grande opportunité » :

  1. Créer un sentiment d’urgence
  2. Construire une coalition d’orientation
  3. Former une vision stratégique et des initiatives
  4. Enrôler une armée de volontaires
  5. Permettre l’action en supprimant les obstacles
  6. Générer des gains à court-terme
  7. Maintenir l’accélération
  8. Instituer le changement

En 2018, il vient compléter ce second modèle de 4 grands principes fondamentaux pour mettre l’organisation sur la voie du succès :

  1. Leadership + Management : le changement nécessite des leaders capables d’inspirer, innover, agir et célébrer, et qui peuvent s’appuyer sur des processus managériaux essentiels ;
  2. Tête + Cœur : la logique seule ne suffit, de grandes choses peuvent se produire quand on sait donner du sens à l’effort ;
  3. Sélectionner peu + diversifier beaucoup : choisir les quelques personnes qui seront capables de faire émerger le leadership à tous les niveaux de l’organisation ;
  4. « Doit » + « Veut » : les personnes qui se sentent concernées peuvent fournir l’énergie nécessaire au changement si on les inclut.

Kotter décrit ces différentes versions et compléments comme des modèles qui sont encore et toujours pertinents et efficaces à l’heure actuelle, mais qui servent des contextes et des objectifs différents. Le modèle de 1996 décrit un processus séquentiel conçu pour un changement épisodique. Il est mené par un petit groupe d’individus qui ont une certaine autorité. Et il fonctionne, donc, mieux dans un contexte traditionnel où la hiérarchie est encore importante. Enfin, il se concentre sur le fait de faire une seule chose très bien.

La version de 2014, quant à elle, propose des axes à traiter simultanément et en continu. Le petit groupe puissant n’est plus que le point de départ vers une implication à tous les niveaux de l’organisation, créant ainsi un réseau parallèle opérant en liaison avec la structure hiérarchique traditionnelle. L’approche d’amélioration linéaire à petits pas a également laissé la place à une constante recherche de nouvelles opportunités sur lesquelles on capitalise rapidement.

Si vous êtes familier avec le Scaled Agile Framework® (SAFe®), en tant que SAFe® Program Consultant ou SAFe® Agilist, par exemple, vous devez probablement reconnaître un certain nombre d’éléments qui sont au cœur même du framework. Parmi eux, la feuille de route d’implémentation, le centre d’excellence Lean-Agile (LACE), ou bien le principe n°10 d’organisation autour de la valeur, en lien avec l’agilité organisationnelle. C’est ainsi que lors du dernier rassemblement (virtuel) de la communauté française Capgemini de SAFe® Program Consultants, David Ferreira, SPCT, VP et leader de l’agilité à l’échelle chez Capgemini France, nous a proposé un atelier de réflexion autour des différences fondamentales entre les deux versions du modèle de Kotter.

S’en est suivi un échange passionnant que nous avons souhaité vous retranscrire ci-après.

1. Créer un sentiment d’urgence

La « création » renvoie à l’action concrète et continue là où le modèle précédent, notamment à cause du mot « établir », donnait un sentiment d’évangélisation de quelque chose de figé, lourd, déterminé, rigide et avec un aspect définitif. La représentation du modèle en cercle renforce ce côté cyclique. Le changement est continu et non pas épisodique. « Etablir » évoquait la raison, là où « créer » implique un travail plus important sur l’émotion. L’articulation autour de « la grande opportunité » ajoute un caractère encore plus urgent : il faut saisir l’opportunité sans attendre.

2. Construire une coalition d’orientation

La petite coalition « puissante » laisse place à une coalition plus large et plus diversifiée de personnes à tous les niveaux de l’organisation. Cela ne concerne plus uniquement le leadership. « Construire » plutôt que « créer » implique une progression dans la construction de l’équipe du changement et son évolution.

3. Former une vision stratégique et des initiatives

L’accent est mis sur l’action. Il ne suffit pas d’imaginer une vision et une stratégie qui peuvent être perçues comme trop abstraites, il faut des initiatives, du concret, du terrain. « Former » renvoie également à l’aspect modelable de la vision stratégique et des initiatives. Il s’agit d’une forme qui va évoluer au fil du temps.

4. Enrôler une armée de volontaires

Changement radical de ton pour cette quatrième étape. On ne parle plus de communiquer une vision en mode push à un public passif, mais bien de passer à un mode pull basé sur le volontariat. On appuie, encore une fois, sur cette idée que chacun peut s’engager et agir, au sein même de l’organisation. On parle d’une véritable armée animée par un sens aigu du devoir qui va le porter à tous les niveaux de l’organisation et qui a la « permission » de faire tout son possible pour le mener à bien. Chaque enrôlé sera un porte-parole, armé pour faire face aux difficultés du terrain.

5. Permettre l’action en supprimant les obstacles

Kotter donne ici un moyen d’action plus concret aux leaders de l’organisation en les faisant entrer dans un rôle de « leader-serviteur » qui agit sur le système en place. Ils challengent le status quo et incarnent le changement, ils montrent l’exemple. Ils travaillent également sur les barrières psychologiques et les facteurs humains qui pourraient empêcher le changement de se produire. Ils permettent créativité et innovation dans les moyens d’action en levant les barrières.

6. Générer des gains à court-terme

Seul principe qui ne change pas, la génération de petites victoires fréquentes reste primordiale pour maintenir la dynamique du changement.

7. Maintenir l’accélération

Là où il était question d’une consolidation et donc d’une forme de calme, d’homéostasie, qui entrait en contradiction avec le faire de produire plus de changement, le maintien de l’accélération implique qu’il n’y a pas de retour arrière possible. On ne parle même pas de maintenir un rythme linéaire de changement, mais bien de continuer à accélérer encore et encore. Fraquer de plus en plus fort, aller de plus en plus loin. On veut une organisation capable de proactivité, pas de réactivité. On parle de gains à long-terme, de la capacité de se réinventer en permanence, d’être toujours à la chasse à la complaisance.

8. Instituer le changement

L’ancrage des pratiques impliquait précédemment une image d’arrêt. On a terminé le projet de changement, on peut souffler un peu. Avec la nouvelle version, on prend conscience que le changement constant doit rentrer dans l’ADN de l’organisation. Le changement devient une institution. On s’organise autour de ce changement permanent. On ne s’arrête jamais dans l’évolution du système.

Si certains changements pourront paraître mineurs au premier abord, ils véhiculent des messages subtils et fort intéressants. En tant qu’instigateurs du changement dans de nombreuses organisations, il est de notre devoir de comprendre les mécanismes et intégrer ces subtilités. De même, nous nous devons d’appliquer à nous même les concepts que nous prônons : changeons constamment nos pratiques, générons nos victoires, accélérons notre rythme d’apprentissage, et augmentons ainsi les chances de succès de nos clients.

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