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Avec la 5G, la voiture autonome passe à la vitesse supérieure

Capgemini Invent
29 mars 2020
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Alors que la 5G s’apprête à être lancée en France et en Europe, quelles en seront les conséquences sur le développement en cours des véhicules autonomes ? 

Échange avec les experts de Capgemini Invent, Michel Guiga, Vice President Automotive et Pierre Fortier, Vice President Future of Technology.

En quoi la 5G constitue-t-elle une révolution pour l’automobile ?

Michel Guiga : La 5G va avoir un impact considérable à la fois sur les processus industriels et sur les véhicules eux-mêmes. C’est à ce deuxième aspect que nous nous intéresserons ici. Avec la 5G, les travaux engagés depuis quelques années autour des véhicules autonomes et communicants vont faire un bond de géant.

« Autonome ou téléopéré, le véhicule doit pouvoir évaluer en permanence sa situation par rapport à son environnement immédiat : autres usagers de la route, état de la chaussée, obstacles… Que ces informations soient captées par le véhicule lui-même ou lui soient fournies par une source extérieure, il faut collecter, échanger et traiter à chaque instant des volumes de données considérables ».

À cela, s’ajouteront les nouveaux services digitaux qui se développeront à bord et autour du véhicule – télétravail, infotainment, cartographie dynamique, partage de véhicule … –, lesquels nécessiteront également une connectivité fiable et performante.

Pierre Fortier : Toutes ces avancées seraient impossibles sans la 5G, qui n’est pas une simple amélioration de la 4G. C’est un tout autre ordre de grandeur, que ce soit en termes de débit, pour faire transiter les masses de données nécessaires, de densité, jusqu’à un million d’objets connectés au km², et de latence, afin de pouvoir détecter un évènement, l’analyser et y répondre en une fraction de seconde. De plus, la 5G permet de garantir une qualité de service très élevée grâce au network slicing, et d’appliquer des protocoles de sécurité extrêmement rigoureux, deux aspects essentiels pour des applications aussi critiques.

Quels types d’infrastructures faudra-t-il mettre en place ?

Pierre Fortier : Il faut organiser les échanges entre la route et le véhicule, soit directement, soit via une plateforme redistribuant l’information sur la zone où il se trouve. Il faut aussi établir le dialogue de véhicule à véhicule. Quant aux calculs, ils peuvent être embarqués, sur des plateformes Edge à proximité de la zone, ou bien réalisés à distance, dans le cloud. En termes de principes fonctionnels, d’architecture et de normes, il y a donc de nombreux choix à faire. Et de nombreuses briques à assembler et tester pour proposer des cas d’usage avancés, par exemple la synchronisation de feux tricolores au passage d’une ambulance ou la détection temps réel d’une situation anormale (collision, obstacle) et l’information temps réel aux véhicules avoisinants.

Michel Guiga : Ces choix ne sont pas les mêmes partout et l’on voit peu à peu émerger un modèle européen, distinct des approches américaines et chinoises. Alors que les Américains développent des véhicules autonomes de niveau 4 ou 5, destinés à se débrouiller seuls, les Européens misent davantage sur la coopération entre véhicules et avec les infrastructures. C’est un modèle qui nous semble plus vertueux, car il est à la fois plus sûr, plus créateur de valeur, car il offre davantage de perspectives en termes de services, plus respectueux de l’environnement, car il peut plus aisément contribuer à optimiser et fluidifier le trafic, et plus inclusif, car il tient compte de la dimension territoriale des services de mobilité.

Quels challenges faut-il relever pour que ce modèle se concrétise ?

Pierre Fortier : Ce modèle coopératif pose des questions complexes en termes de gouvernance, de financement, de responsabilité, de cybersécurité, de propriété des données et de répartition de la valeur. Par exemple, qui investit dans les infrastructures, qui les conçoit, qui les déploie, qui les opère ? Aujourd’hui, le principal défi réside dans la collaboration entre tous les acteurs concernés, pas dans la technologie. Il y a aussi l’aspect réglementaire : comment fait-on cohabiter différentes générations de véhicules ? Où se situent les responsabilités en cas d’accident ? Quel statut et quelle protection accorde-t-on aux données des automobilistes ? Enfin, il ne faut pas négliger les enjeux sociétaux.

« Au moment où certains s’interrogent sur l’innocuité de la 5G ou l’empreinte énergétique du numérique, il faudra veiller à l’acceptabilité des véhicules autonomes ».

Michel Guiga : Sur ce dernier point, je suis pour l’instant assez agréablement surpris car la confiance semble se créer assez vite, même si elle est sans doute fragile. En revanche, un aspect primordial concerne la viabilité économique des futurs services. La voiture autonome embarquera des technologies coûteuses. Pour recouper ces investissements, il faudra donc séduire l’automobiliste avec une proposition de valeur convaincante. Porté par  des acteurs de la R&D automobile et du numérique dont Capgemini et soutenu par la filière automobile à travers la Plateforme automobile (PFA), le projet 5G Open Road entend se pencher sur cette question clé qui intéresse tout l’écosystème. Les nouveaux services devront notamment offrir une expérience intuitive et engageante, et une valeur directement perceptible, comme le parking automatique ou la possibilité d’emprunter les voies réservées. Pour tous les acteurs concernés, l’objectif final est de vendre un service, pas des technologies.

Où en est-on aujourd’hui ?

Pierre Fortier : Les licences 5G seront attribuées à l’automne 2020 et les premiers services apparaîtront fin 2020/début 2021. Concernant l’automobile, les choses avancent vite, avec de très nombreux projets expérimentaux, mais nous n’en sommes qu’aux prémices, ne serait-ce que parce qu’il faudra un large déploiement des réseaux pour que les nouveaux usages puissent se généraliser. Cela prendra du temps et les premières applications seront sans doute réservées aux agglomérations et aux grands axes routiers.

Michel Guiga : Tous les ingrédients sont aujourd’hui réunis. L’Europe possède des champions industriels et technologiques, des acteurs puissants dans les télécoms, l’IT, la mobilité et les infrastructures, un écosystème de startups foisonnant, des laboratoires de premier ordre… Paradoxalement, la crise peut même être un facteur positif avec les plans de relance et une forte volonté politique. Mais il faut aller très vite si nous voulons que notre modèle s’impose. Dans cette course de vitesse, les territoires peuvent être un vrai accélérateur.

« Avec la 5G, les véhicules autonomes peuvent permettre de mieux exploiter la route, de mieux desservir les populations, de réduire les nuisances du trafic routier sans brider la liberté de déplacement des personnes et des marchandises… Pour les collectivités qui sont en première ligne face aux enjeux de mobilité, de transition écologique et de cohésion territoriale, cela change la donne ! »