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Optimiser les processus au regard des attentes des usagers et des agents

Augustin Bordes, Bastien Jourdan de la Passardière, Alison Gaudichon & Baptiste Arsonneau
1er juillet 2022
capgemini-invent

Les attentes qu’elles soient citoyennes ou politiques ont été nombreuses ces 15 dernières années pour améliorer la performance du secteur public.

Historiquement focalisées sur la réduction des coûts en réponse à des promesses politiques de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, comme sous le quinquennat de 2007 à 2012 avec la RGPP, puis davantage axées sur la qualité de service et l’évaluation des politiques publiques avec la MAP (Modernisation de l’Action Publique) de 2012 à 2017, elles sont désormais fortement centrées sur les besoins et les parcours sans couture des citoyens, ainsi que sur la qualité de travail des agents.

Elles ont permis d’activer des leviers divers comme les évolutions des organisations avec des mutualisations ou externalisations d’activités, l’optimisation des processus avec des démarches inspirées du Lean, et la dématérialisation des procédures avec le numérique. Plus récemment, la mise en place des leviers technologiques comme l’apport de la donnée, l’automatisation et l’intelligence artificielle ont permis d’ouvrir des nouveaux horizons, dont le potentiel de gains pour le citoyen n’en est qu’à ses débuts.

La crise sanitaire : un contexte de niveau de dépenses sans précédent

a crise sanitaire a changé la donne en 2020 en ouvrant une période de dépenses sans précédent depuis les temps de guerre avec une approche du « quoi qu’il en coûte » afin de répondre aux besoins urgents de santé publique et de protection de l’activité économique. Déficit et endettement se sont envolés pour atteindre des sommets (ex : plus lourd déficit public enregistré en 2020 en France depuis 1949, à 9,2 % du PIB). Effet bénéfique de cette période, l’administration a gagné en agilité en démontrant sa capacité à assurer une continuité d’intervention, dans des modalités de travail à distance dans certains cas, inédites. L’organisation du travail des agents à significativement évolué comme en témoignent les modalités de télétravail désormais en place au sein des administrations avec 68 % des équipes en capacité de télétravail qui le font au moins un jour par semaine (pic historique annoncé le 14 janvier 2022 par la ministre de la Transformation et de la Fonction publique). Ces nouvelles pratiques appellent la mise en place d’outils collaboratifs innovants et des modes de management à distance. Par ailleurs, le lien même entre le citoyen et l’administration a évolué, avec une moindre mobilité au quotidien, incitant le service public à accélérer sa transition numérique tout en veillant à conserver un maillage territorial physique suffisant pour répondre à certains besoins (ex : démarches complexes, publics vulnérables). Les enjeux immobiliers sont également devenus plus que jamais un levier de performance à examiner dans cette nouvelle donne.

Dans ce contexte de niveau de dépenses sans précédent, l’enjeu d’amélioration de la performance des organisations publiques devient une priorité clé pour la prochaine mandature, quand bien même le financement de la dette demeure à des niveaux faibles. L’amélioration de la performance doit permettre des gains tangibles de fonctionnement, une amélioration de la qualité visible de l’usager mais aussi une adaptation des conditions de travail des agents avec l’hybridation des modes travail. Il nous semble plus que jamais nécessaire de mettre en œuvre, avec les agents, des leviers innovants répondants à ces objectifs, fruits de notre expérience dans des organisations privées et publiques, en France et à l’international.

Optimiser les processus au regard des attentes des usagers et des agents

Ce levier central dans la recherche de performance est un prérequis primordial dans toute démarche de transformation en particulier de numérisation avant même d’envisager des leviers technologiques plus sophistiqués. L’optimisation des processus peut passer par une simplification, harmonisation et/ou suppression d’étapes clés. Elle permet d’obtenir des gains à la fois de réduction de coût, d’amélioration de qualité de service et de conditions de travail pour les agents. Elle trouve en particulier son application dans les ministères et agences en liens avec d’autres administrations, source d’enjeu d’efficacité, avec des processus à forte volumétrie et un potentiel élevé de standardisation.

La réussite de ces démarches repose sur une écoute approfondie des besoins des agents et des usagers afin de finement percevoir leurs irritants. La DITP a mis en place une plateforme dédiée à l’écoute des usagers appelée VoxUsagers qui permet de recueillir le ressenti et les attentes citoyennes dans leur relation avec les différents services publics. Plus généralement, les réseaux sociaux constituent aujourd’hui un lieu stratégique de compréhension des frustrations et insatisfactions des usagers, qui deviennent une mine d’information pour améliorer les services actuels ou en imaginer d’autres. Des dispositifs spécifiques d’écoute des réseaux sociaux comme ceux développés par Bloom fondés sur une analyse de sentiments (ex : nombre de « like », mots employés dans les commentaires) permettent de qualifier des insatisfactions ou détecter des attentes nouvelles. Ce type de dispositif a été utilisé par une agence dans le cadre de la résolution de dossiers de demandes d’aide, bloqués pour diverses raisons dans le processus. Les demandeurs les plus actifs sur les réseaux sociaux ont été identifiés et traités prioritairement. Recueillir les « bruits » des usagers sur les canaux numériques permet d’améliorer ou de définir des processus cibles avec un potentiel élevé de satisfaction usager.

Des gains de coûts de fonctionnement et en qualité de service visibles de l’usager

Ces démarches d’optimisation des processus conduites avec les agents permettent d’identifier des gains de coût de fonctionnement de l’ordre de 20 à 30% pour des organisations peu matures et sont un prérequis à la mise en œuvre optimale de la dématérialisation et de l’automatisation du processus, lorsque pertinent. Nos expériences auprès d’un ministère régalien dans l’optimisation de la chaine de la délivrance des titres nous a permis d’atteindre jusque 40% de gains de délais, en éliminant des tâches à faible valeur ajoutée. Celles auprès d’une agence dans l’instruction des aides nous a permis de réduire par deux les délais d’instruction et d’autant le délai global d’obtention de la subvention pour le demandeur. Nous pensons que ce type de démarche devrait être généralisé à tous les processus cœurs de métier et supports à forte volumétrie et en lien entre des administrations, pouvant ainsi générer des réductions de coûts substantielles mais également des gains en qualité de service visibles de l’usager.

L’enjeu de pérennisation et de progrès continu de ce type de démarche est clé et repose sur l’internalisation de ces compétences projet avec la création de centres d’excellence opérationnelle au sein des administrations. Ces organisations concentrent des experts de la conduite de projet et des démarches d’optimisation des organisations et processus, comme évoqué précédemment, à même de porter des initiatives de ce type dans les directions métiers et supports. Ce type d’organisation a été développé en particulier dans les secteurs des services financiers et de l’énergie depuis plus de 15 ans. Il permet la diffusion d’une réelle culture d’amélioration continue des processus avec également, en plus d’une offre d’appui à la transformation, une offre de formation continue aux enjeux de modernisation à destination de l’encadrement intermédiaire, maillon clé de la modernisation. L’Etat a initié une telle structure depuis 2007 avec la DGME, devenue DITP en charge de la transformation de l’action publique. A présent, ces centres doivent se généraliser au sein de chaque administration afin de développer une compétence interne de la performance et permettre une autonomie accrue des administrations dans leur capacité à assurer et pérenniser l’amélioration de l’efficacité.

Auteurs

Augustin Bordes

Vice Président, en charge des activités Ministères, Capgemini Invent
Augustin dispose de plus de 20 ans d’expérience dans la transformation de l’action publique. Il dispose en particulier d’une expertise approfondie en matière de transformation à l’aide des leviers technologiques (numérique, data, IA) des sphères régaliennes, transition écologique et économie/-finances, au travers de projets de création de nouveaux services publics et d’amélioration de la relation usager ou de la performance des organisations. Augustin est certifié black-belt, diplômé du cycle de formation continue du CHEDE et enseigne dans la filière préparation INSP de l’ESSEC depuis plus de 5 ans.

Bastien Jourdan de La Passardiere

Vice president – corporate Transformation, Capgemini Invent

Alison Gaudichon

Expert en Change Management, increased profitability, Lean Training, Performance Improvement, Process Optimization
Alison est experte des sujets d’excellence opérationnelle dans le secteur public, elle est notamment certifiée Black Belt lean et a déjà piloté plus d’une vingtaine de missions permettant aux organisations de gagner en efficience et en qualité de service pour l’usager. Elle s’est spécialisée plus particulièrement sur les problématiques du ministère de l’Intérieur et des outres mer.
    Pour aller plus loin

    Secteur public

    Le secteur public mène une transformation vers un futur qui sera résolument plus numérique et durable.