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Déployer des nouveaux services publics de proximité

Alice Robichon
26 août 2022
capgemini-invent

Dans « Paris et le désert français », le géographe Jean-François Gravier posait les termes du débat, dès 1947, sur le rapport entre l’administration et les territoires. Deux exemples récents illustrent l’actualité de cette problématique.

D’une part, la crise des « gilets jaunes » a incarné le sentiment de rupture entre la France des « invisibles » et la haute-fonction publique. D’autre part, la pandémie de Covid-19 a conduit à repenser l’échelle de l’action publique, en s’appuyant sur le binôme préfet-maire et la société civile.

Plus structurellement, l’organisation administrative française fait l’objet d’évolutions en continu depuis les premières lois de décentralisation en 1982. Parmi les réformes les plus récentes, peuvent être citées la loi « 3DS » relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et la simplification redonnant des marges de manœuvre aux élus locaux ou encore la réforme de l’organisation territoriale de l’État (OTE) réorganisant l’administration de l’État dans les territoires.

Ce « mille-feuille administratif » repose ainsi sur une technicité qui ne paraît pouvoir être appréhendée que par les experts. Cet état de fait contribue à éloigner les citoyens de l’action publique. Les territoires sont dès lors au cœur de la transformation publique autour de quatre temps : écouter, tester, mettre en réseau et déployer.

Écouter les attentes des usagers dans les territoires

L’écoute des attentes des usagers n’est pas un concept nouveau. Des Etats généraux de 1789 au Grand débat national en 2019, les cahiers de doléances en sont un exemple emblématique. L’enjeu n’est donc pas celui de l’opportunité mais de l’outillage de cette écoute pour anticiper les problématiques émergentes.

Allier les sciences sociales et la technologie permet d’analyser les human data. L’ethnographie permet ainsi, grâce à son caractère immersif et empathique, d’identifier des facteurs profonds et parfois inconscients qui influencent le quotidien des gens. L’analyse des social data (données issues des réseaux sociaux) peut la compléter pour être en capacité d’anticiper les tendances et les crises.

Consulter les citoyens pour recueillir leurs idées et faciliter la décision est une tendance de fond. La participation citoyenne a son ancrage historique dans les territoires, sous l’impulsion des collectivités territoriales. Ce levier est de plus en plus utilisé par les ministères (ex : Etats généraux de la Justice). Il permet de mobiliser plus directement les usagers dans la conception des transformations.

Tester les solutions nouvelles avec les parties prenantes territoriales

Le modèle séquentiel dans lequel les réformes sont conçues nationalement, à travers la norme, puis mises en œuvre localement est assez largement obsolète. L’écoute des attentes des usagers a ainsi vocation à se prolonger par le test au niveau local des solutions nouvelles qui ont émergées.

Les expérimentations locales sont un préalable avant le lancement de grands projets nationaux. Elles permettent de tester les solutions envisagées et ainsi d’anticiper les éventuelles difficultés avant un « passage à l’échelle ». Cette logique d’expérimentation doit être pleinement assumée, y compris pour in fine décider de ne pas déployer une réforme.

L’innovation territoriale est également un puissant levier de transformation publique. Cette dynamique s’est, par exemple, incarnée lors des dernières années par la création de laboratoires d’innovation territoriale. Elle se traduit plus largement par le soutien à de projets initiés par des administrations locales, notamment pour préparer de possibles généralisations.

Mettre en réseau les administrations nationales et locales

De plus en plus, la transformation publique croise ainsi les approches « top down » et « bottom up ». Ce double mouvement conduit les administrations à travailler en réseau. Cette dynamique est accrue par le renforcement du caractère interministériel des politiques publiques et des organisations locales.

Réinterroger la répartition des compétences entre acteurs est désormais une démarche continue. C’est évidemment le cas dans la relation entre Etat et collectivités territoriales mais aussi pour l’Etat en son sein. Il s’agit alors de déterminer le repositionnement stratégique des différentes parties prenantes à la mise en œuvre d’une politique publique partenariale.

Renforcer la présence de proximité des acteurs publics est une priorité dans le cadre de ces réflexions sur la répartition des compétences. Cette nécessité a particulièrement été mise en lumière par les crises récentes. Plusieurs initiatives structurantes ont été prises, par exemple avec le déploiement local de France Rénov’ (nouveau service public de la rénovation de l’habitat).

Déployer « jusqu’au dernier kilomètre »

Cet enjeu de proximité de l’action publique pose très directement la question de l’impact territorial des politiques publiques. Le suivi du déploiement effectif des réformes est dès lors clé pour une relation de confiance entre les citoyens et la puissance publique.

Le pilotage territorialisé de la mise en œuvre des réformes a vocation à être outillé. Il s’agit de se doter d’indicateurs et d’outils de suivi des impacts des réformes à la maille territoriale. C’est le sens du baromètre des réformes prioritaires créé par le Gouvernement.

La conduite du changement auprès des acteurs locaux est le corollaire de ce pilotage territorialisé. L’objectif est d’identifier et de lever les points de difficultés dans la mise en œuvre des réformes « jusqu’au dernier kilomètre » (outillage, formation…). A cet égard, la communication est souvent un point clé sous-estimé par les acteurs publics.

Remettre les territoires au cœur des politiques publiques est indispensable pour rétablir un lien de proximité entre usagers et administrations.

Autrice

Alice Robichon

Directrice Secteur Public, Capgemini Invent
Directrice au sein des équipes secteur public de Capgemini Invent, Alice accompagne plus particulièrement les acteurs de l’éducation et de la culture. Juriste de formation, elle a exercé pendant plus de 10 ans au sein de l’Etat dans le pilotage interministériel de grandes réformes.
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