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Combattre le réchauffement climatique par l’utilisation de la data dans la rénovation énergétique

Lamia Banbachir & Maxime Beaucour
21 octobre 2022
capgemini-invent

Alors que la France vise la neutralité carbone en 2050, l’année 2021 a marqué une accélération forte de la politique de rénovation énergétique, répondant aux enjeux du secteur le plus consommateur d’énergie et l’un des plus émetteurs de gaz à effet de serre en France.

La rénovation énergétique permet un triple dividende : diminuer l’impact carbone du bâti, assurer une sobriété énergétique et garantir davantage de confort en cas de forte chaleur. Elle remet aussi au cœur du débat les sujets de précarité énergétique et sociale.

De plus, la rénovation énergétique invite tous les acteurs, privés ou publics, à s’interroger sur leur trajectoire bas carbone, leur stratégie patrimoniale et leur accès à des données fiables.

Ainsi, comment la donnée « actionnable » peut-elle être le levier de la massification de la stratégie bas carbone pour le parc immobilier public et privé ?

I. Les politiques menées en France et en Europe permettent de poursuivre l’objectif de réduction de l’empreinte carbone du bâti

L’accélération de la rénovation énergétique des bâtiments figure parmi les objectifs du Plan Climat de l’Union européenne. La France s’y inscrit pleinement avec une enveloppe de 6,7 milliards d’euros dédiée à la rénovation énergétique d’ici la fin de l’année 2022. De plus, les conditions de mise en œuvre sont pleinement favorables avec un arsenal législatif et réglementaire en expansion.

La Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) est la feuille de route de la France pour lutter contre le changement climatique. Elle définit une trajectoire ambitieuse avec pour objectif la décarbonation complète de l’énergie consommée dans les bâtiments en 2050. S’y ajoute la loi Climat et résilience de 2021 qui implique les bailleurs individuels dans la rénovation énergétique en interdisant la location sur le marché de passoires thermiques à partir de 2028.

La réglementation s’appuie sur des dispositifs de financement concrets (ACTEE 1, ACTEE 2, SRADDET, Faire collectivités, France Relance etc.) à destination du parc bâti résidentiel et tertiaire. Par exemple, 2 milliards d’euros ont été alloués pour la rénovation des logements privés via Ma Prime Rénov’.

Ces modalités légales et financières peuvent permettre au ministère chargé de la Transition écologique, à des agences comme l’ADEME ou l’ANAH, ou aux bailleurs et industriels de lancer des chantiers de rénovation énergétique. L’opportunité pour ces acteurs est de mieux connaître leur patrimoine, de maximiser leur retour sur investissement et d’optimiser le pilotage de leur feuille de route bas carbone.

II. La donnée et l’IA sont des leviers d’accélération et de massification de la rénovation énergétique des bâtiments résidentiels, publics et tertiaires.

Cependant, de nombreux acteurs publics font encore face à des données éparses et peu contextualisées. Or, la rénovation énergétique nécessite aujourd’hui des données actionnables et des parcours adaptés aux acteurs disposant d’un volume important de bâtiments pour les aider à cibler, optimiser et agir à l’échelle.

En effet, les gestionnaires de parc immobiliers soulignent une vision incomplète du patrimoine, des informations difficiles à collecter, des moyens humains internes limités et des diagnostics et audits externes coûteux et nombreux. De plus, ils éprouvent des difficultés à identifier les travaux qui pourraient être réalisés et à estimer les flux de gains financiers et énergétiques associés pour pouvoir les prioriser. De même, les leviers de financement à connaître et à maitriser et les dossiers à compléter sont nombreux et complexes. Enfin, le suivi énergétique des bâtiments reste insuffisant et peu objectivable.

Ces difficultés vont de pair avec le besoin de simplifier et dématérialiser les procédures d’aides, de fédérer les acteurs locaux et nationaux, de faire converger les dispositifs d’aide existants et d’accompagner les usagers de bout en bout.

Afin de massifier la rénovation énergétique, plusieurs usages de la donnée peuvent être envisagées, dont :

  • Disposer de caractéristiques quantitatives et qualitatives sur le bâti public, le territoire et la filière rénovation énergétique et pouvoir les comparer à d’autres territoires ;
  • Identifier les bâtiments à rénover de façon prioritaire et simuler les gains attendus selon une trajectoire pluriannuelle pour mieux cibler les offres de financements et/ou les collectivités territoriales à financer en priorité ;
  • Accompagner les acteurs dans l’identification des sources de financement ;
  • Analyser la filière économique dans les territoires et sa capacité d’adresser la demande en matière de rénovation énergétique ;
  • Piloter et évaluer la mise en œuvre des mesures du plan de relance sur la rénovation énergétique du bâti public ;
  • Identifier les fraudes.

De nombreuses initiatives publiques et privées (Prioréno de la Caisse des dépôts, Trees de la région Hauts-de-France, OPERAT de l’ADEME, …) capitalisent sur la donnée pour accompagner les acteurs dans leur transformation énergétique. Pour aller plus loin et démultiplier le potentiel d’une approche industrielle par la donnée, la préfiguration d’une plateforme de connaissance, d’aide à la décision et de pilotage de la stratégie de rénovation énergétique des bâtiments serait un véritable catalyseur. Cette plateforme pourrait être conçue et pilotée par un chef de file pour chaque typologie de bâti. Par exemple, un acteur comme l’ANAH pourrait mener la rénovation énergétique dans le secteur résidentiel, le ministère de la Transition écologique ou la Direction de l’immobilier de l’Etat dans le secteur public et des banques ou investisseurs institutionnels dans le secteur privé.

Une étude exploratoire combinant la connaissance des données et l’expertise métier du logement, de l’habitat et de la transition énergétique a démontré le potentiel et la pertinence d’une plateforme de ciblage et de pilotage de la rénovation énergétique des données. Les principaux usages pour améliorer la performance énergétique des logements résidentiels ont été testés sur une ville moyenne afin de permettre 1) le pilotage jusqu’au niveau communal du dispositif MaPrimRenov’, en identifiant les territoires avec le plus gros potentiel de traitement des passoires énergétiques ; 2) l’accompagnement du parcours de rénovation énergétique des ménages par la collecte de toutes les données nécessaires au ciblage des travaux les plus efficients et à leur estimation financière ; 3) et à l’échelle macroscopique le suivi et le pilotage des engagements carbone de la France. C’est la massification grâce à la donnée qui sera clé dans l’atteinte des objectifs de décarbonation de la France.

Auteurs

Maxime Beaucor

Senior consultant, Capgemini Invent
Maxime est spécialisé dans les domaines de la santé et de la protection sociale. Il accompagne des acteurs publics autour de ces thématiques, notamment dans la mise en oeuvre de leurs projets data et de leurs feuilles de route stratégiques. Il s’est aussi spécialisé dans l’appui que l’intelligence artificielle peut offrir aux acteurs publics.

Lamia Benbachir

Directrice Citizen Services, Capgemini Invent
Lamia Benbachir est une spécialiste de la modernisation de l’action publique. Elle a d’abord accompagné ses clients de la sphère Etat dans leur transformation digitale et depuis 5 ans dans l’appropriation du levier data et de l’intelligence artificielle. Dans le cadre de ses missions, Lamia a développé une expertise dans le design et la conduite de projets d’envergure mobilisant la data science et le computer vision au service du développement durable, et notamment au service de la maximisation du potentiel de rénovation énergétique des bâtiments tertiaires.
    Pour aller plus loin

    Secteur public

    Le secteur public mène une transformation vers un futur qui sera résolument plus numérique et durable.