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Le secteur du retail ou l’adoption du cloud par les cas d’usage métier

Florent Bouchenot
3 décembre 2021

La grande distribution constitue à mon sens l’un des domaines métiers le plus intéressant et le plus mouvant de ces dernières années.

En perpétuel changement et devant répondre à des clients toujours plus exigeants, un grand nombre d’opportunités d’innovation s’ouvrent avec les apports des nouvelles technologies comme le cloud, l’IoT, la mobilité et l’IA.

Les défis auxquels les acteurs du domaine doivent faire face sont nombreux. La supply chain, l’encaissement, le cycle de vie des produits ou encore la gestion des clients sont autant de sujets que les retailers doivent revisiter à la lumière de la révolution technologique en cours.

Dans les premiers chantiers, les retailers se sont intéressés au décommissionnement de leur datacenter au profit du Cloud. Dû à son faible retour sur investissement et l’absence de plus-values métier, cette transformation n’a jamais vraiment eu le vent en poupe auprès du business. Il s’agit d’initiatives poussées par la DSI ayant pour objectifs de se délester d’infrastructures vieillissantes, de changer le modèle économique en diminuant les coûts récurrents et de se recentrer sur les projets informatiques apportant de la valeur aux métiers.

Après ces transformations purement techniques, ces dernières années, le domaine de la grande distribution a subi beaucoup de changements, j’ai eu la chance à travers mes expériences de pouvoir assister et même participer à ces transformations plus orientées métier. Le retail est un domaine ultra-concurrentiel où l’agilité et la maitrise des coûts priment. De mon expérience dans l’IT des retailers les tendances sont les suivantes :

  • Une inclination à adopter des solutions progicielles qui encapsulent déjà un savoir-faire – comme sur la supply chain, les systèmes d’encaissement, l’agencement de magasins entre autres – et évitent les développements des logiciels spécifiques.
  • L’abondance des données, qui ouvre une perspective nouvelle – le cloud offre la possibilité de développer de nouveaux use cases.
  • La dépriorisation des investissements pour traiter l’obsolescence, avec les problématiques inhérentes à des systèmes d’information qui tendent à être plus vétustes. Par exemple, dans le domaine du cloud, les projets de décommissionnement de Datacenters au profit d’un move to cloud sont beaucoup plus rares.

En même temps, les acteurs du Cloud ne sont pas des acteurs purement technologiques. L’émergence d’Amazon comme une menace perçue et la puissance de Google dans le domaine de la data, en particulier consommateur, ne sont pas étrangers aux choix de plateformes qui ont été réalisés par les acteurs du retail ces dernières années.

Dans cet article, j’explore à partir de mon expérience personnelle le chemin de l’évolution des retailers à partir des cas d’usage métier – qui partent de le relation client vers d’autres métiers moins visibles comme la supply chain – ce qui donne même une grille de lecture de maturité d’adoption. En effet, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne…

Les prémisses de l’adoption du cloud par la grande distribution : les premiers cas d’usage

Si certains affirment que la grande distribution française a réalisé le virage du cloud après les entreprises françaises d’autres secteurs, c’est faux. La manière dont les retailers se sont intéressés au cloud est avant tout par les métiers. Des mouvements moins massifs, mais plus profonds.

Certes, ils ne se sont pas tout de suite rués sur le cloud public mais bien sur des offres cloud proposées par des éditeurs spécifiques du marché SaaS et poussées, voire imposées par les métiers vers le SI (et non l’inverse). C’est une démarche par use case, héritée de la culture d’adoption de progiciels. Les métiers, dans cette phase de démarrage du passage au digital, sont majoritairement à l’initiative de la démarche dans l’optique d’apporter de la valeur métier bien souvent pour le domaine client. Dans cette étape, j’ai pu observer notamment l’adoption des démarches SaaS liée à l’interaction client et salarié – des use cases comme déploiement de terminaux mobiles en magasin, de Self Check-out (Caisse automatique en self- service) permettant de scanner et de peser l’ensemble du panier ou encore de progiciels pour les centres d’appels clients ou magasin. Ces projets peuvent être adoptés sur une plateforme Cloud, mais ce n’est pas une obligation.

L’impact de l’IT sur la topline : L’eCommerce, le cas d’école pour le cloud public

Après les offres SaaS et sous l’influence grandissante des sites de eCommerce comme celui du géant américain Amazon, les sites de ventes de la grande distribution n’ont eu d’autre choix que de passer au cloud public pour riposter. En effet, les spécificités du modèle de consommation du eCommerce, notamment les pics de fréquentation, font du cloud public la meilleure option à adopter – pour faire face notamment aux problématiques de burst.

Les hyperscalers ont rapidement compris ce cas d’usage métier comme porte d’entrée à l’adoption, pour cette raison les offres autour du eCommerce se sont très rapidement enrichies et ont évolué vers des offres de valeur qui s’appuyent sur l’AI et la data. J’ai pu participer à des projets aussi variés que l’adoption des chatbots, les algorithmes de compréhension du langage comme DialogFlow – et ses équivalents AWS Lex et Azure Bot ; ou encore les initiatives sur le référencement, basées sur Rankbrain par exemple.

L’accélération de cette approche eCommerce et l’abondance des données a créé rapidement la nécessité d’urbaniser le SI pour répondre plus rapidement aux nouveaux besoins du métier. J’ai pu observer et participer à l’évolution vers des projets d’urbanisation, notamment de la data, comme le RCU (Référentiel Client Unique) mettant à la disposition du eCommerce des données complètes provenant de l’ensemble des canaux B2C de l’entreprise, ce qui facilite grandement la pertinence des analyses des outils de Machine Learning – et renforce le cercle vertueux de l’adoption du Cloud.

La généralisation du cloud : La supply chain, le cœur du métier de la grande distribution

Des pages et des pages pourraient être écrites sur ce sujet, difficile de résumer cela dans un article. Ce domaine est critique pour les entreprises du secteur et donc compliqué à transformer. Paradoxalement c’est le domaine où les technologies innovantes telles que l’intelligence artificielle peuvent apporter énormément d’optimisation et de gains financiers. Et quoi de mieux que le cloud pour supporter ces technologies ?

La supply chain a généralement été modernisée morceau par morceau afin d’éviter les risques d’une refonte complète. A l’image du domaine client avec le eCommerce et basé sur cette expérience, les acteurs de la grande distribution ont su mieux exploiter leurs données et ainsi optimiser les stocks et les chaînes d’approvisionnement, minimiser le gaspillage alimentaire et répondre à la problématique du « dernier kilomètre », et bien d’autres sujets spécifiques à la supply chain.  Le meilleur exemple que l’on peut citer est le très médiatique rapprochement entre Carrefour et Phénix qui a permis de diminuer drastiquement le gaspillage alimentaire.

A cette étape de l’adoption, le mariage entre la data et le cloud est intrinsèque, et la question d’utiliser le Cloud n’existe pas – les cas d’usage de la Supply Chain l’imposent.

L’avenir : L’encaissement et le futur pour des magasins physiques ?

Même si la supply chain et son optimisation reste un sujet d’actualité, les retailers et les acteurs du cloud se tournent aujourd’hui vers les magasins et sur le dernier bastion de la grande distribution vis-à-vis du cloud public que constitue la caisse.

Les magasins ont beaucoup évolué pour mettre en place des processus de self-checkout de plus en plus élaborés. Il est loin le temps où les kiosques de self-checkout (SCO) étaient le seul moyen pour le client d’être autonome lors du processus d’encaissement en magasin. Les solutions supportées par le cloud public comme les applications mobiles ou plus récemment les magasins ou les kiosques autonomes (IoT) permettent aujourd’hui aux clients de faire leurs courses sans patienter dans une file d’attente interminable.

Ce type de solution présuppose d’utiliser une philosophie cloud qui va de l’edge à l’hyperscaler. Même si elle s’annonce comme une prochaine étape à forte valeur, les prérequis de mise en œuvre de ces solutions restent onéreux pour une clientèle française encore timide à généraliser l’adoption de ces pratiques.

Dans la grande distribution les projets sont métiers avant d’être informatiques. Le système d’information, qu’il soit supporté par le cloud ou non, doit apporter des solutions aux métiers et ne pas les contraindre. Une transformation vers le Cloud ne peut se concevoir sans plus-value métier visible et tangible dans un horizon relativement court.

Dans ce domaine fortement concurrentiel, les solutions proposées doivent évoluer à la vitesse des nouveaux besoins métiers, c’est-à-dire excessivement vite. De ce fait, le cloud public est le partenaire parfait, il fournit un support capable de tenir la cadence du métier du retail.

Plusieurs tendances pointent vers une accélération de l’adoption du cloud public et plus particulièrement via l’adoption par usage métier

  • L’évolution des offres métier des hyperscalers présage une plus forte adoption du cloud, et il est déjà possible d’entrevoir par exemple des applications de la blockchain « enablé » par le cloud pour le suivi des produits MDD (marque de distributeur)
  • Dans un futur pas si lointain les nouveaux modèles de consommations des jeunes générations vont pousser vers des magasins encore plus connectés, plus petits, plus proches du consommateur aussi bien géographiquement que par les produits qu’il propose.
  • L’unification les différents canaux pour que le magasin devienne un hub pour les clients. Le parcours en magasin se transformera plus qu’un parcours digital à travers les sites eCommerce, les applications mobiles ou même les réseaux sociaux. Et encore une fois, le Cloud sera l’accélérateur de cette transformation.

En ce sens, le domaine du retail fournit un « pattern » d’adoption du cloud qui peut inspirer la trajectoire d’autres industries et acteurs.